Ceci n’est pas un film. C’est du moins la proposition la plus adéquate que serait tenté de formuler le spectateur au terme des presque deux heures de ce qui lui a été proposé sous ce titre. On exposerait quelque part les bobines de vraies pellicule qui en constituent le support matériel, avec une petite étiquette portant la proposition sus-nommée. Ce serait, mettons, la fin du cinéma -et il n’est pas sûr que cela déplairait vraiment à la réalisatrice Judith Cahen. Tant mieux. Mais enfin, ce film sort en salle, il faut donc bien rendre compte de sa projection, et de ce qu’elle donne à voir sur une certaine surface de toile blanchâtre, pour peu qu’on ait correctement fait le noir alentour. Allons-y : il y a donc incontestablement des images sur cette pellicule. Elles défilent pour nous donner l’illusion de la réalité, racontant ainsi, c’est manifeste, une histoire (sens de fiction), avec des personnages aisément repérables, et même une héroïne, jouée par Judith Cahen, par ailleurs créditée comme réalisatrice, et dont le nom dans l’histoire est Anne Buridan (le même, donc, que dans les précédentes bobines, moins volumineuses, impressionnées par la même réalisatrice et projetées en salle sous le générique de La Croisade d’Anne Buridan). Il y a dans l’histoire d’autres personnages, qui jouent dans des lieux (une radio associative, la rue, le bord de la mer). Parfois, ils jouent, ça se voit (ça n’a pas l’air vrai). Ils discutent : ce sont des dialogues. Ils se posent diverses question sur l’existence que les gens se posent peut-être aussi dans la réalité. Parfois aussi, ce sont de vrais gens, par exemple qui défilent dans la vraie rue sur de vrais chars (c’est l’Euro-Pride pour de vrai). Mais on voit aussi des personnages qui disent des dialogues au milieu de vrais gens qui ne doivent pas avoir été engagés comme figurants. Il y a même une scène ou les personnages de l’histoire se retrouvent dans un vrai musée avec de vrais visiteurs pour casser la figure à un monsieur déguisé en femme qui est aussi un personnage du film (il s’appelle Alberto dans l’histoire comme dans la réalité, alors ça devient très compliqué, mais on n’est pas obligé de le savoir en regardant la pellicule défiler sur l’écran). A la fin, il n’y a plus de personnages mais des mots qui défilent. C’est un générique. Il nous apprend que ce que nous avons vu a été écrit, joué, éclairé, monté et produit par des individus dont c’est manifestement le métier. Il s’agit donc, contrairement à ce que nous avancions au départ, d’un vrai film.
Un peu comme si, pour faire une vraie critique de film, il suffisait de trouver un média pour la diffuser, d’aligner un certain nombre de mots pour faire des phrases à peu près compréhensibles, puis de mettre son vrai nom en bas :
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