Privé de la moindre ambition cinématographique, La Prison de verre aurait pu être un bel objet maniériste, puisqu’il sous-tend au moins une impulsion de mise en scène : la présence d’un décorum sophistiqué, gigantesque villa high-tech aux parois de verre, labyrinthe au sein duquel Ruby (Leelee Sobieski) et son frère Rhett (Trevor Morgan), les jeunes héros du film, vont essayer d’échapper à leurs inquiétants tuteurs, Erin et Terry Glass (pour les anglophobes, “glass” signifie “verre” en anglais, d’où le jeu de mots du titre original…). Après la mort accidentelle de leurs parents, les deux teenagers sont en effet confiés aux meilleurs amis de la famille, couple richissime et apparemment sans histoires. Un idéal de vie (des fringues et des jeux PlayStation en veux-tu en voilà) très vite contredit par certaines situations vécues par Ruby : la vision d’Erin, inconsciente et une seringue plantée dans le bras, ou encore une tentative d’attouchement de la part de Terry. La jeune fille fait-elle preuve de trop d’imagination ou les Glass seraient-ils réellement menaçants ?
On rêve de ce qu’un De Palma aurait fait d’un tel matériau : un brillant jeu de miroirs, un nouvel exercice de style à base de faux-semblants et de simulacres. Si Daniel Sackheim n’a pas ce génie, il n’est pas non plus le dernier des tâcherons. Plutôt bien mené, son film use des ficelles du genre avec une certaine habileté tout en laissant planer le doute sur la paranoïa adolescente de son héroïne. Les dés ont beau être pipés dès le départ (Ruby est trop gironde pour être folle), La Prison de verre reste un agréable divertissement, joliment chromé et joué à la perfection par des comédiens chevronnés, Leelee Sobieski en tête. Visage de madone, corps trop grand pour elle, voix grave et intense : à chacune de ses apparitions, l’actrice aperçue dans Eyes wide shut ou College attitude donne du coffre à un film qui, sans cette silhouette atypique de jeune vierge aux abois, manquerait cruellement de relief.