Ne jamais faire confiance aux films portés par un petit sujet-marotte, a priori calibrés pour un public d’amateurs éclairés du genre pêcheurs, philatélistes oui, ici, amoureux du whisky : derrière leurs historiettes pour seniors flagadas se cache toujours une jolie leçon de vie pour nous, enfants de sept à soixante-dix-sept ans. Ainsi cette comédie désespérément sobre sur les spiritueux et qui, quoique tournée dans la joviale Ecosse, reste bien marquée du sceau de la comédie anglaise loachienne, c’est-à-dire gorgée d’humanisme rondelet.
Depuis Cannes, le film s’est vendu comme un feel-good movie, de ceux dont le quidam ressort en se félicitant d’avoir passé-un-très-bon-moment. Pas de tromperie sur la marchandise, c’est bien une fable dilettante sur les petits travers de l’âge d’homme. Comme à l’atelier céramique d’un hospice castelroussin, on y regarde passer le réel en feignant de s’intéresser à un sujet bateau (pourquoi chercher à filmer la passion du malt, affaire de nez par excellence ?). Dans le beau mordoré du douze-ans-d’âge, on distingue certes les vicissitudes de l’adolescence prolo, l’épreuve d’être jeune papa ou de rester droit malgré la chienne de vie – heureusement que les copains sont là, rigolos et cracras avec leurs lunettes à verres épais. Dommage qu’on se fiche à moitié de savoir si le héros, gringalet vertueux, mettra la main sur un cru rarissime avec ses acolytes. Dommage surtout que Loach prenne la précaution de compartimenter systématiquement son script (scènes à gaudriole vs. scènes lacrymales, sans mélange), et d’enduire ses personnages, sympathiques ici, pathétiques là, d’une couche uniformisante de bienveillance débonnaire.
C’est précisément ce qui rend le film exaspérant, ce paternalisme droit-de-l’hommiste embourgeoisé : Loach n’est jamais plus éloigné de sa working class chérie que quand il la filme comme ça, à la sauvette. L’insistance sur les cochonneries des larrons (improbable scène de crachat, où l’on expulse les sucs buccaux pour mieux les regober) pointe son impuissance à creuser les penchants sauvages que pourtant il suggère dans les portraits étirés tout le long du film. Lequel tient un peu, à ce titre, du pilote de sitcom, façon Coronation street (pendant anglais de Plus belle la vie) : Loach s’emploie essentiellement à brosser des trognes (surtout celle du benêt de service, réincarnation morte-née du Spud de Trainspotting), et à les faire vaguement interagir, sans autre horizon que ce défilé. Vautré dans son fauteuil de conteur pantouflard, façon Père Castor radoteur et au bout du rouleau, il a rarement été aussi mauvais dans cet exercice.