La derrickienne saga du cinéma espagnol continue. S’il évite miraculeusement le sujet des sectes dévoreuses de nouveaux nés, La Nuit des tournesols répond positif à toutes les tares de la plupart de ses congénères ibériques : goût pour un cinéma de genre frelaté, académisme souffreteux de l’intrigue, maniérisme pâteux des images (une photo orangée pour planter le cagnard pyrénéen de ce thriller en sabots). Le début très malsain parvient à maintenir l’attention – un violeur sillonne la cambrousse, va-t-il se transformer en tournesol tueur ? – avant que l’ensemble ne s’effondre au bout de vingt minutes. L’enchaînement incontrôlé de faits divers (le meurtre d’un pécore innocent succède à une attaque manquée du serial-killer) entraîne le film sur un autre terrain : celui de l’étude sociologique en milieu rural. Le thriller s’estompe alors au profit d’un petit panel de trognes et de personnages taillés à la serpe tentant de gérer le poids du secret dans un village rongé par l’isolement et le médiévisme. Les idées manquent alors cruellement et l’on se prend à rêver d’une attaque d’araignées géantes ou de bulots extraterrestres sur le village pour relancer un film au point mort.
La laborieuse tentative de rehausser cette lourde ratatouille d’une narration à la Elephant (les événements sont distribués à la manière de blocs d’espace-temps simultanés) ne fait qu’enfoncer le tout un peu plus. Non que le cinéaste ne se sente plus, au contraire : La Nuit des tournesols n’a rien d’un film de petit malin, c’est plutôt son côté lourdaud et empâté qui le siphonne de l’intérieur. A mesure qu’il avance, ce drôle d’animal cinématographique s’évide de toute sève et de tout intérêt, comme tombé en rade dans une mare de médiocrité. Sans prétention et avec un entêtement un peu idiot, l’intrigue avance et se traîne, installant son atmosphère incolore avec une lourdeur de vieux boulet. Tirant entre le languide et le raide comme un piquet (la mise en scène et l’interprétation d’une pauvreté inouïe), La Nuit des tournesols pourrait bien être, l’air de rien, l’un des pires cauchemars du vacancier imprudent qui tomberait par mégarde dans ce funeste traquenard estival.