Avec tout nouveau Takashi Miike, impossible de savoir à quoi s’attendre. La Mort en ligne, dans le foutoir de la filmographie du nippon fou, apparaît cependant assez vite pour ce qu’il est : un remake cheap et calme du Ring de Nakata. Surprise totale au vu de la première partie : le film est incroyablement sobre, pas choquant pour un sou, et suit tranquillement la trame du film culte de Nakata en remplaçant la cassette vidéo par un portable maudit. Ce dernier cherche dans le répertoire différentes cibles (d’autres portables donc) qui elles-mêmes se ramifient jusqu’à panique générale. A chaque fois la même chanson : le téléphone sonne, la victime répond et entend ses propres cris d’horreur devant la mort qui l’attend quelques temps plus tard. La mort est programmée à l’heure et à la minute près du message.
Pas le moindre suspense donc, si ce n’est de savoir comment une personne en situation de normalité absolue va bien pouvoir se retrouver raide morte quelques minutes plus tard. Miike ne force aucune fois son talent et se contente de trouver les parades les plus lâches à son procédé-concept : un ascenseur qui pète les plombs ou un train qui passe au mauvais moment, et le tour est joué. Pendant plus d’une heure, voire une heure trente (le film en fait deux), la mécanique se déplie sans la moindre originalité : Miike est capable lui aussi d’être un faiseur comme les autres et peut même se la jouer sobre, plat, calme jusqu’à l’ennui. La Mort en ligne parvient par ailleurs à un degré de profondeur psychologique inattendu dans sa façon de sous-tendre son intrigue horrifique par un mélodrame du refoulement maternel plutôt réussi.
La dernière partie laisse enfin exploser la personnalité du cinéaste, ouvrant sur un détraquement et une folie assez saisissants, bien que toujours très contrôlés. Les fantômes qui apparaissent soudain sont dignes des meilleurs films de Kurosawa ou Nakata, dans le face-à-face avec le monstre plein cadre notamment. Sur quelques plans, quelques raccords, le brio formel du cinéaste éclate et saisit d’effroi le spectateur. Ça reste bien peu, évidemment, sur un film aussi long et académique, mais permet en même temps de confirmer l’essentiel : Miike est probablement le plus génial fumiste du cinéma contemporain. Pas la nouvelle du siècle, mais au moins l’occasion de le vérifier une fois de plus.