Les femmes aiment et disent le sexe comme les hommes. Elles aussi connaissent des mots tels que bite, pine, queue, pour ne citer que quelques synonymes. Afin de séduire le narrateur (Rémi Martin, parfait dans le registre ingrat de l’effacement, de l’écoute), certaines s’affirment comme des salopes, tandis que d’autres jouent les innocentes avant d’annoncer qu’elles raffolent du foutre. Voilà ce que nous dit La Mécanique des femmes. Très bien, sauf qu’énoncés pendant 1h30 (le film) ou 150 pages (le livre de Louis Calaferte), ces propos soi-disant volés au réel (on imagine plutôt le père Calaferte abuser de la veuve poignet en fantasmant les pensées salaces de sa voisine) nous cassent les couilles, à nous les mecs. Parce que ce ressassement obscène s’avère dénué de toute intensité, sonne faux dès les premiers mots, et s’enlise dans une sorte de catalogue surfait et faussement subversif de la parole sexuelle et féminine.
Jérôme de Missolz, quant à lui, fait ce qu’il peut avec ce texte agaçant, impossible. Des actrices sublimes (Christine Boisson en tête) tentant d’incarner jusqu’à la démesure des figures abstraites, inachevées, seulement définies par un discours libre et provocant, mais qui tombe vite à plat. Résultat ? Le spasme (Fabienne Babe) sans la grâce, la beauté des visages spoliée par la crudité vaine du dialogue. Muet, La Mécanique des femmes aurait sans doute gagné en radicalité, en poésie urbaine, vers l’expression douloureuse de la solitude au sein même de l’espace amoureux. Ainsi des déambulations nocturnes de Christine Boisson, portées par le blues de Jean-François Pauvros, mais que la voix off de la comédienne récitant Calaferte vient irrémédiablement plomber. A l’indéniable talent des techniciens du film (grand soin apporté à la lumière et au cadre) et à la mise en scène limpide de Jérôme de Missolz s’opposent le verbe creux de Calaferte, la faiblesse de sa portée, son inanité crasse. Car pas une phrase de l’écrivain ne nous révèle quoi que ce soit sur le sexe, la jouissance, et, en définitive, sur la femme. En restant fidèle à l’auteur de Septentrion, Jérôme de Missolz était donc condamné à l’échec. Quant au spectateur, il en apprendra infiniment plus sur nos cochonnes en louant une vidéo de Lætitia, reine du porno amateur et du langage ordurier.