La comédie française trentenaire poursuit sa phase de régression, malaxant comme un doudou l’héritage paternel post soixante huitard. Il y a eu L’Incruste, Nos jours heureux, Camping, voici La Jungle, tentative de réunir la faune parisianiste avec leur pires ennemis, les actifs banlieusards ou provinciaux, porteurs de valeurs d’équilibre et forcément moins déconneurs. Défi perdu dès le départ, le film ne cherche pas à tirer partie de son concept de base, préférant décliner une énième posture de Patrice Leconte période Viens chez moi, j’habite chez une copine. Rappelons tout de même le pari de La Jungle lancé par Guy Bedos, guest star croulante improbable mais vraie : tenir sept jours dans la rue avec sept euros en poche pour deux bobos dégénérés : l’un, kéké du seizième, l’autre, étudiant boursouflé en pleine crise d’adulescence.
Très vite, on prend peur : le film n’est pas dans l’urgence qu’il propose, délibérément surexcité à l’idée d’enfoncer des portes ouvertes. Il faut aux moins trois séquences au novice Mathieu Delaporte pour expliquer la superficialité et la glandouille du héros, cinq ou six autres pour lâcher ses deux gogos en plein Paris. Seulement voilà, le film s’arrête dès le premier soir, incapable d’accompagner les personnages vers l’enfer de l’asphalte. Désespérément bourgeois et surcouvé, La Jungle joue le réalisme social avec une sincérité stérile comme s’il avait peur lui aussi de partir à l’aventure : au lieu de compter les sous pour bouffer, on mange chez une copine et on dort chez elle, la faune de Paris se transforme en gang surréaliste vaguement patibulaire (des chinois sourds-muets) mais finalement pas si dangereux. Amuse-bouche pour roucoulements amoureux, le parcours du combattant n’est finalement qu’un banal révélateur à personnage : le kéké reconquiert sa copine et assume ses sentiments, l’autre accepte de se contenter de ce qu’il a, une nana dépressive, humiliée mais gentille.
Pour survivre, le film se concentre en réalité sur ce qu’il rumine depuis le départ : sociologiser à tout va, jouer des dialogues savoureux en guise d’assaisonnement comique. Il convoque aussi les ancêtres du genre (Bedos et Anémone, tous deux sinistres de flapitude) et quand il n’a franchement plus rien, s’appuie sur un humour potache estudiantin en un long clip plein de vignettes : faire chier les passants dans la rue, jouer avec des godemichés dans un sex-shop, se baigner dans la fontaine Saint-Michel, picoler. Finalement très sage, le délire s’apparente aux récentes tentatives de Michael Yoün. La posture et les intentions font office de métier, le cynisme envers les outils du cinéma (écritures, personnages) suggère plus une fatalité qu’une envie de réellement révolutionner la comédie de l’intérieur. Jouer au cinéma, voici la principale intention de La Jungle. Mouais.