La Journée de la jupe, c’est Entre les murs 2. Ou bien le versant cauchemardesque du film de Cantet : cette fois, les sauvageons attaquent vraiment, passent aux choses sérieuses. En plein cours, Mme Bergerac découvre dans le sac d’un collégien une arme à feu. La situation s’envenime, Mme Bergerac prend en otages ses élèves, on va se le faire, ce cours de français, on va voir ce qu’on va voir. Quelque part entre Philippe de Villiers et François Bégaudeau, le film passe par tous les états mais sans jamais trouver un ton, ni développer un point de vue. Voulant mettre les pieds dans le plat, il se les prend dans le tapis. Décidément, ce sujet-là (nos jeunes, tels qu’ils font peur, tels qu’on ne sait plus comment garder le contact avec eux), ce n’est pas qu’il glisse entre les doigts, c’est qu’il aimante les films dans des directions qu’ils ne veulent pas prendre. La Journée de la jupe ravive d’ailleurs le souvenir un peu gêné d’une affligeante dispute de salon entre François Bégaudeau et Alain Finkielkraut, qui s’affrontèrent sur quelque plateau de téloche. Le premier s’extasiait devant la vivacité des ados d’aujourd’hui, et la poésie qui est la leur, et l’énergie d’où ils rayonnent ; le second se désolait quant à lui de leur inculture, découvrant avec stupéfaction que les paroles de Lââm, c’était pas du Rimbaud. Débat consternant, mais qui montre bien quel bourbier Entre les murs et cette Journée de la jupe ont dû traverser. Pas fin pour un sou, le film de Jean-Paul Lilienfeld voudrait se glisser dans l’espace informe et mou entre ces deux positions également indigentes, il n’y trouve qu’une friche stérile, entre coups de pied au cul des caïds et caresses sur la joue meurtrie des petites princesses des cités. Alternant lourdement les points de vue, il fait match nul.
De toute façon, il perd très vite la partie, et s’écroule là où le film de Cantet emportait le morceau : dans la direction d’acteurs. La mise en scène est précaire, et sur le versant GIGN, le film se donne des airs (les flics qui sautent comme des cabris par-dessus les barrières pour entrer dans le collège, au lieu de passer par le portail grand ouvert, comme tout le monde), mais on ne sort pas d’une ambiance Julie Lescaut cheap, d’autant que l’usage de la vidéo donne à l’image un grain laiteux, une mauvaise mine. Un mot sur Adjani, et son énième retour. L’idée forte est de la replacer sur une scène (c’est un cours sur Molière, dans une salle de théâtre), comme à ses grands débuts. Mais on sait que la star n’est plus tout à fait la même, et, botoxée à mort, elle fait penser aux masques numériques du récent Z32 d’Avi Mograbi. Adjani, dont le rayon d’action a toujours été l’hystérie, trouve ici un terrain à sa mesure, mais c’est Z33 qui se montre, et nous laisse seulement à imaginer que, peut-être, sous ce masque bombé par une étrange chimie, s’agite encore le visage d’une actrice.