Quatrième volet de La Vie sexuelle des Belges, titre générique donné à tous les longs métrages qu’a réalisés le provocateur anarcho-néo-situationniste Jan Bucquoy, La Jouissance des hystériques se veut une variation autour de la vie et de la pensée de son auteur. Très proche en cela d’un Romain Goupil, le cinéaste se met ainsi en scène dans toute sa grandiloquence et sa petitesse sans craindre le ridicule mais sans tomber non plus dans les travers m’as-tu-vu du réalisateur français. A l’instar de Woody Allen ou de Nanni Moretti, Jan Bucquoy a ce côté fragile qui le rend un peu plus humain, un peu moins au-dessus de tout. Et pour cause ! Dans le film, sa femme vient tout juste de le quitter, le genre d’épreuve dans laquelle il est difficile de la ramener. Comme le rappelle très justement une jeune femme dans le film : « C’est trop dur de vivre seul(e) ! »
A partir de ce détail intime, point de départ du film, Jan Bucquoy échafaude donc un assemblage de saynètes sur la recherche d’une nouvelle compagne mais aussi sur la manière de changer le monde. Ainsi, dans la première partie, on assiste à un casting au cours duquel Bucquoy n’hésite pas à harceler les comédiennes qui se prêtent à son jeu. Deux d’entre elles partiront d’ailleurs en voyage avec lui, l’une (Evelyne, plutôt ronchonne) pour Bali, l’autre (Gail, plus ouverte) pour Paris. Puis, dans la seconde partie, Bucquoy réalise un film avec les acteurs et les actrices recrutés lors du casting et dévoile enfin son projet insensé : fomenter un coup d’Etat pour le 21 mai 2005 !
Tourné essentiellement en vidéo numérique, La Jouissance des hystériques balance entre réel et fiction de telle manière que l’écheveau n’est pas démêlable ; et ce mystère n’est pas la moindre des qualités du film : l’imposture restant encore la meilleure définition de l’artiste. Toutefois, en faisant appel à Guy Debord (de nombreux extraits de La Société du spectacle sont lus pendant le film) et à Jean-Luc Godard (la seconde partie est entièrement inspirée de Luttes en Italie), le réalisateur navigue parfois à vue, et apparaît plus révérencieux qu’iconoclaste. Mais c’est sans compter les scènes qui font de La Jouissance des hystériques plus qu’un délire potache. Celles, cruelles, où le réalisateur doit affronter le nihilisme de sa fille ou le regard d’Evelyne, lourd d’un passé douloureux, ou encore la désertion totale d’une salle de cinéma face à ses propositions politiques… Ces quelques instants de vie révèlent alors leur part de vérité désespérée de façon bien plus abrupte que n’importe quel discours.