Inscrit dans la veine traditionnelle du produit culturel vulgarisateur, La Jeune fille à la perle se love dans le genre avec soin et honnêteté. Seule percée, l’histoire, non pas centrée sur les sempiternelles grandeurs et décadences du génie visionnaire (ici Vermeer), mais sur une de ses muses, la frêle domestique Griet et jeune fille du titre. Modèle historiquement mystérieux du grand peintre, le film fantasme sur un fragment de vie de cette Joconde hollandaise.
Griet joue une sorte de guide de musée, arpentant différentes fresques : atelier de peinture, us et coutumes des hollandais au XVIIe siècle, dont celles de sa star locale, le grand Vermeer, génie tourmenté et mutique. Un pari risqué que le débutant Peter Webber tient finement. D’abord grâce à son effacement derrière Griet, certes guide mais surtout incarnée par l’envoûtante Scarlett Johansson qui après, Lost in translation, confirme sa présence magnétique. Si la jeune actrice rayonnait chez Sofia Coppola, elle demeurait icône parmi les icônes. Ici, elle déborde du cadre pour vampiriser le film : Vermeer (Colin Firth, bien fade en croisement Francis Huster / Francis Lalanne), mise en scène (la caméra épouse constamment son point de vue) et personnages, qui du mécène au boucher, l’adorent ou la détestent.
Cependant, si Webber sait se faire oublier, il témoigne d’une maîtrise sereine. Reconstitution soignée, scénario souple et rythmé, éclairage magnifique, il pare son film d’ingrédients qui lui confèrent fluidité et harmonie. Mots-clés pour la mise en scène, qui sidère presque par sa réussite pédagogique, délivrant la moindre information à la manière d’une image subliminale. Webber filme, on apprend et on passe à la suite. Plutôt séduisant, même si indubitablement futile. Comme Griet ne sera jamais qu’un trait d’inspiration pour Vermeer, le film se condamne à la légèreté trop placide. Un bon moment ou un beau prospectus selon l’humeur.