Anomalie incongrue affichant fièrement son refus de l’époque, Là-haut fait peine à voir. Citizen Kane troufion, où une stagiaire journaliste au Figaro mène l’enquête sur la disparition d’un ancien d’Indochine devenu cinéaste dont on a perdu la trace dans les montagnes vietnamiennes, là-haut, là où il venait tourner un film. Deux films cohabitent sans se parler dans Là-haut : le pathétique film-enquête sur ce personnage fictif, et une pluie d’extraits des vrais films de Shoendoerffer, principalement de La 317e section. Derrière un bedonnant discours de ganache, cette fracture entre le Schoendoerffer live, en prise directe sur son époque (la guerre d’Indochine, qu’il a filmée en abondance), et le Schoendoerffer complètement déphasé d’aujourd’hui, entre La 317e section et ce consternant téléfilm qu’est Là-haut, ne dit rien d’autre que le désarroi d’un cinéaste qui semble n’avoir plus rien à dire, sinon ressasser sa nostalgie. Schoendoerffer semble jouer, en toute connaissance de causes, le rôle du guerrier mal à l’aise dans ses chaussures de ville, du cinéaste viril malheureux loin du bourbier, perdu sur les plats trottoirs d’Europe, regrettant le crapahutage dans les marais d’Indochine. Son absolue paresse, son désir presque palpable de réaliser le film le plus indigent et le plus amateur qui soit (mise en scène d’une platitude olympique qui ferait passer René Manzor pour un ersatz d’Orson Welles) ne sont là que pour heurter de plein fouet les images aigues et vives de ses films de jadis. Car, curieusement, Là-haut n’a pour seule vertu que de réanimer le désir de voir La 317e section, dont il serait une sorte de bande-annonce ultra ringarde et l’antidote imbuvable.
Sur le bureau du producteur craignos (noeud pap’, whisky, Wojciech Pszoniak mollement théâtral) que visite la journaliste, trône l’affiche de Scènes de crime, du fiston Frédéric. Or le film se déroule pendant les années Giscard. Cette manière de nous dire que le père est fier d’avoir passé la main au fils, couplée à la grandiloquence terne et risible de Là-haut, laisse la sinistre impression de voir un cinéaste sans autre désir que raconter une offensive de Viets pendant l’Indo, mimant les bombardements, captivant son auditoire un soir de pluie dans un bar de marin. C’est d’ailleurs une scène du film, piètrement interprétée par Jacques Perrin, qui ne manque pas une occasion d’en rajouter une couche dans la nostalgie des récits d’anciens combattants.