Photographe libre et indépendante, Clélia (Sophie Marceau) signe un contrat avec Mac Roi (Michel Subor) qui la fait travailler pour son journal à scandale, dont la rédaction rassemble un petit cercle de personnalités cyniques et débauchées. Parallèlement, Clélia fait la connaissance de Clève (Pascal Greggory), un homme des plus intègres qui travaille dans le même groupe mais en tant qu’éditeur de livres pour enfants. Celui-ci tombe fou amoureux d’elle et la demande en mariage. Séduite par son honnêteté, Clélia accepte. Mais la veille de ses noces, la jeune femme rencontre Némo (Guillaume Canet), un photographe flirtant sans cesse avec des sujets engagés et dangereux (trafic d’yeux, prostitution enfantine). Si la fascination est réciproque, Clélia est bien décidée à ne pas rompre son engagement envers son époux…
Décidément, La Princesse de Clèves inspire les cinéastes. Après l’adaptation décalée mais assez fidèle de Manoel de Oliveira (La Lettre), Andrzej Zulawski s’attaque à son tour au roman de Madame de La Fayette. Comme l’on pouvait s’y attendre, le Polonais sulfureux cherche à brusquer le récit d’origine, à le galvaniser par des cris et des pleurs, vers l’émergence du lyrisme sous-jacent dans le livre. Pourtant, La Fidélité n’est en rien un film hystérique -éternel reproche adressé à l’œuvre du réalisateur. Il s’agirait plutôt d’une tentative complexe et intense de brouillage narratif, exprimé par la surabondance des éléments, comme un trop plein de signifiant. Et si Zulawski submerge son cadre d’images, de personnages et de micro-actions, ce n’est pas pour nous perdre mais pour atteindre une sorte d’ampleur décadente, en quête d’un souffle baroque qui ne souffrirait d’aucun manque. C’est donc dans ses moments d’ébullition romanesque que La Fidélité impressionne le plus. Lorsque Clélia, par exemple, se fait surprendre par Némo et se protège en le mitraillant avec son objectif, comme pour créer une distance à leur passion ; mais une distance qui réunit, car seul l’art leur permettra de « consommer » leur histoire.
Il y a toutefois chez Zulawski une attirance prononcée pour l’impur qui condamne la beauté à naître par des voies détournées, et parfois même grossières : allusions redondantes au roman (jusqu’à la présence « physique » du livre dans une séquence), intégration de quelques effets spéciaux numériques ratés, ou encore de figures proches du ridicule (Saint-André, entre l’ange gardien et l’âme diabolique). Paradoxalement, l’auteur de Possession réussit comme peu de cinéastes à transcender la crasse du monde, notamment lorsqu’il attarde sa caméra près de la sphère de Mac Roi, offrant à Michel Subor et surtout à Edith Scob (qui campe une vieille nympho alcoolique avec une grâce déchue) des compositions d’une noirceur totale et jubilatoire. Quant à Sophie Marceau, elle trouve ici son meilleur rôle (ce qui, il est vrai, ne veut pas dire grand-chose), et réussit à prouver, une fois n’est pas coutume, qu’elle peut être une excellente actrice lorsqu’elle est entre de bonnes mains. Rien que pour ce constat, La Fidélité tient du miracle.