On avait apprécié Etoile violette, court-métrage d’Axelle Ropert qui parvenait, à son meilleur, à diffuser sa petite fantaisie spleenétique en bouffées d’angoisse pop et inflorescences colorées. La Famille Wolberg retrouve parfois cette fraîcheur singulière (via notamment un personnage de moutard, Benjamin, récitant adorablement ses répliques), mais se raidit quelque peu dans son rôle ingrat de premier long attendu par toute la petite aristocratie critique parisienne (un peu comme les œuvrettes de Jousse, Anger, Saada avant lui). En 1h20, durée-type du petit devoir un peu contrit, Ropert est dans l’emprunt permanent, enrobant une histoire à l’académisme bien de chez nous (père tout puissant, maladie et infidélité en milieu bourgeois) d’une couche de douce étrangeté burlesque qui, si elle gérait un peu mieux son économie maniériste (quelque chose comme : je passe mon Deug littéraire option Farrelly / Anderson), vaudrait assurément comme sympathique modèle pour le jeune cinéma bobo français – largement préférable, il est vrai, à un Desplechin.
En l’état, La Famille Wolberg fait claquer quelques admirables performances d’acteur (Damiens et surtout Bozon, à qui le film doit deux tiers de sa réussite) mais échoue dans sa tentative de greffe : le pari du mélodrame ne parvient jamais à s’extirper du tout-venant naturaliste (scène finale un peu pathétique de mise à nu en public, répliques qui sonnent creux quand bien même elles cherchent une certaine artificialité littéraire). La Famille Tenenbaum, costume dans lequel flotte maladroitement le film, transformait au contraire les prétextes de l’infidélité et de la maladie en simulacres faisant basculer la fiction dans une crise d’affects bouleversante quand le film de Ropert reste constamment la tête dans le guidon de sa chronique détaillée d’une petite tragédie versaillaise annoncée. Esthétiquement surtout, le film est plutôt vilain : une belle idée (la blancheur hivernale qui enveloppe tout) noyée dans un océan d’impuissance à sortir du théâtre hyper scolaire de sa mise en scène (le duel verbal sous la pluie). Involontairement plus proche de la forme préhistorique dans laquelle pataugeaient Les Beaux gosses de Sattouf que de ses rêves de dandysme andersonnien, cet horizon gentiment adulescent achève de rendre La Famille Wolberg à son statut de petite chose irritante et parfois charmante.