Comme celles de Klapisch, les comédies de Chatillez offrent à coup sûr l’occasion de voir s’opposer toute une frange de la critique et du public. Trop simpliste, ouvertement trivial, ce cinéma-là demeure pourtant l’un des rares lieux de la production française où ne se pose à aucun moment la question de sa légitimité. Antipathique ou sympathique, pour ou contre, petitement réaliste ou grossièrement caricatural : les deux cinéastes semblent à mille lieues de ce genre de préoccupations, continuant inlassablement leur parcours d’artisans d’un genre aux limites immédiatement reconnaissables, aux figures (le panel sociologique) et aux enjeux (la pique affectueuse) parfaitement huilés. On a pu entendre que La Confiance règne sonnait comme une petite rupture auteurisante dans la filmographie long courrier de Chatillez : il n’en est rien, le film se contentant joyeusement de reproduire des schémas bien connus.
Christèle (Cécile de France bêtasse) et Christophe (Vincent Lindon neuneu) volent inlassablement les gens de la haute dont ils sont les domestiques. Les caractères, chez Chatillez, sont toujours taillés à la serpe et ne varient pas d’un iota d’un bout à l’autre du film. Cela ne signifie pas étude sociologique mal dégrossie : plutôt un art maîtrisé et ultra-précis de la caricature, quelques traits bien sentis suffisant à enclencher la petite mécanique au burlesque sophistiqué du cinéaste. Il semble à tout instant du film que chaque élément et chaque figure, jusqu’à la plus secondaire (le personnage de Ludo, l’oncle pédophile, la mère poule) tiennent dans le cadre comme autant de germes d’un autre récit possible, existant d’eux-mêmes, sans forçage, comme venus d’une fiction toute proche. Cet art de la précision et de la sécheresse du trait, qui permet une multitude de passages et de circulations du centre à la circonférence du film, donne à l’ensemble une fluidité jubilatoire.
Une fois la fiction échauffée, les gags crépitent et le film s’embrase de tout son long. Aucun systématisme pour autant, Chatillez trouvant toujours le moyen de tirer douceur et tendresse de ce qui ailleurs semblerait coquille d’aigreur (chez un Todd Solondz par exemple) : le recours au mauvais goût et la trivialité (scènes de pets ou de rots dignes de La Soupe aux choux, slip sale d’un vieux bourgeois, accent pathologiquement hilarant des chtis) se trouvent compensés en creux par le refus de tout cynisme de Chatillez. Il y a là une telle maîtrise amoureuse du genre et de ses extrémités, une forme de burlesque cocoonesque qui parviennent toujours à faire retomber le film sur ses pieds. Cette santé d’un comique truculent, ce souci d’artisan et de petit maître (maîtrise imparable du rythme, du geste juste et de la musicalité des plans) suffisent amplement à notre bonheur.