Une vague odeur de souffre, de sueur et de péloche cramée, voilà ce qui reste de La Cité de Dieu cinq ans après sa sortie. La faute à cet enlumineur de Meirelles qui, planqué derrière ses filtres, maquille les coups d’esbroufe en coups d’éclat mais tombe vite le masque. Passons. Surfaite ou non, cette matrice du cinoche sud-américain a accouché d’un soap toujours à base de guns, gangs et favelas : La Cité des hommes. Plusieurs saisons durant, le public brésilien s’est passionné pour ces héros de Rio de Janeiro, pauvres gosses paumés entre crimes et pauvreté avec leur bidonville pour seul quotidien. Episode terminal et film éponyme, La Cité des hommes s’inscrit dans le prolongement direct de cette saga épique. Et assume sa filiation.
Ici, aucun coup de force esthétique ni artifice péteux, juste une humilité et une urgence télévisuelles qui aiguillonnent plus qu’elles ne secouent. En faisant le choix de l’en-dedans, Paolo Morelli offre des corps à ses personnages, les incarne là-même où Meirelles les subsumait. Comme si, en descendant de Dieu aux Hommes, ce cinéma de rue renouait avec des enjeux à son échelle. A l’éclatement structurel des scripts de Mantovani (La Cité de Dieu, Tropa de elite) succède une ligne plus claire, tout juste entrecoupée de fulgurants flashbacks. Ambition en moins, émotion en plus : resserré autour des deux potes et héros de la série (Laranjinha et Acerola), le film conserve les qualités de la nouvelle vague brésilienne (authenticité, énergie brute, mise en scène de guérilla) en se préservant de ses tics de nouveaux riches (distance ironique, écriture alambiquée, obésité graphique).
Si les seconds rôles se bousculent toujours dans le champ, ils ne composent plus que la toile de fond, l’arrière-plan grouillant et palpitant sur lequel se détachent Laranjinha et Acerola, les vrais moteurs dramatiques du film. Le premier cherche un père, le second à le devenir, mais tous deux fixent un même point de fuite : grandir malgré tout, malgré l’indigence, le narcotrafic et la mort. Par ricochets, les gunfights fiévreux cèdent ici le pas à des scènes plus romanesques, qu’elles scellent les retrouvailles entre un père et son fils ou concluent le film d’un geste rasséréné. Choix courageux, d’ailleurs, que de clore ce portrait sans fard des favelas sur l’espoir plutôt que sur un statu quo, sur des perspectives plutôt que sur une impasse. Un épilogue rivé sur l’horizon, l’avenir en point de mire.