Après Nationale 7 et Les Yeux fermés, La Chambre des magiciennes est le troisième film de la série « Petites Caméras », réalisée pour Arte, à se frayer un chemin jusqu’aux salles obscures. Après Jean-Pierre Sinapi, transfuge de la télévision, et Olivier Py, dramaturge et comédien, Claude Miller s’est à son tour essayé aux nouvelles technologies audiovisuelles et s’est lancé dans l’aventure d’un tournage en DV. Le postulat initial ne semblait pas dépourvu d’enjeux : confier à un réalisateur établi, emblématique d’une certaine qualité française, un tel projet ne pouvait manquer d’attiser la curiosité du spectateur. Or, le résultat global déçoit cruellement. Le metteur en scène de Garde à vue et L’Accompagnatrice, qui, depuis ses débuts, n’a quasiment jamais cessé de travailler sur une matière romanesque, s’est une fois de plus appuyé sur une oeuvre littéraire, Les Yeux bandés de Siri Hustvedt, pour développer un récit pesant qui balance constamment entre drame, comédie et onirisme sans jamais trouver d’unité de style ni proposer de perspectives cinématographiques intéressantes.
Alors qu’il eut été logique de s’attendre à ce que l’utilisation d’un matériel d’enregistrement plus léger libère Claude Miller de contraintes propres à l’usage de la pellicule et le pousse, en quelque sorte, à définir une nouvelle approche visuelle de son sujet, il se sert simplement de sa petite caméra comme d’un vague substitut et ne parvient à aucun moment à s’approprier le nouveau langage dont il dispose. La prise de vue, signée Philippe Welt (Bunker Palace Hôtel, Le Bonheur est dans le pré) frappe par son uniformité et la platitude d’une lumière digne des plus impossibles cauchemars télévisuels français. Il faut beaucoup de temps avant que l’oeil ne s’habitue à tant de laideur et que l’esprit, quasi anesthésié, puisse à nouveau se concentrer sur ce que le film même tente de raconter. Mais là encore, le bât blesse : le jeu forcé des comédiennes principales (la décidément peu chanceuse Anne Brochet, Mathilde Seigner et Annie Noël) intrigue quelque temps avant d’irriter définitivement le spectateur. Protagonistes d’une intrigue anémique et déliquescente, elles semblent gagnées peu à peu par une torpeur fatalement communicative. Cette Chambre des magiciennes ne mérite dès lors même plus une visite de courtoisie et se résume à un exercice de style qui n’intéresse plus que son auteur. Dommage.