Premier au rayon comédie dramatique du cinéma français, Jacques Fieschi fut le scénariste qui rendit à Claude Sautet sa dernière jeunesse (Un Coeur en Hiver, Nelly et Monsieur Arnaud), avant de faire fructifier son savoir-faire auprès d’héritières du filmeur de brasseries telles Anne Fontaine ou Nicole Garcia. Récit de dégénérescence bourgeoise, La Californie, son premier essai derrière la caméra, suggère qu’il est sans doute trop tard pour un destin de pur metteur en scène. Non pas que Fieschi soit ridicule, mais il est déjà trop lui-même ou conforme aux autres, presque aussi faisandé que l’univers du roman de Simenon. Un peu comme si un fils Chabrol se lançait dans un remake d’Inspecteur Lavardin pour ses grands débuts.
Le fil suit donc une petite communauté vivant aux crochets de Maguy (Nathalie Baye), ex-aventurière qui dilapide son capital sur la Côte d’Azur. Tout se brise quand la fille de celle-ci débarque et fait tourner la tête d’un gentil gigolo bosniaque. Son ami de toujours, pute numéro un de la quinqua friquée, le jalouse salement. On voit trop bien où Fieschi veut en venir : saisir la tendresse d’une galerie de paumés, grillés sur l’autel de la marginalité et de la peur sociale. Les bourgeois déchus s’encanaillent pour la dernière fois et les clandestins, rattrapés par le trauma de la guerre en Yougoslavie, cherchent une dignité improbable en valets sexuels des riches. Comme ses consoeurs citées plus haut, le néo-cinéaste multiplie les faux-semblants sans jamais oser dépasser l’exposition, prolonger un trouble. Un exemple : le lesbianisme ponctuel de la fille de Nathalie Baye, gros gadget scénaristique qui n’apportera pas le moindre relief, pétard érotique mouillé qui dit très vite les limites du film.
Du coup, Fieschi choisit son camp : celui des oisifs de la Côte dont il admire la décadence formatée. La mise en scène s’excite sur les néons des bars à putes, les chaînes en or qui brillent et les filles faciles comme un pré-ado matant un porno soft sur M6. La complaisance est donc reine. Place aux bons mots, aux seconds rôles flamboyants, aux disputes chorégraphiées. C’est clair, toute la distribution parade pour les Césars, de Nathalie Baye en femme brisée à Roschdy Zem qui s’est fait une gueule de truand et baragouine le yougo. On peut trouver cela insupportable tout en admettant que dans le genre esbroufe Fieschi n’est pas le pire. La Californie affiche une sérénité d’artisan, de faiseur tranquille pépère dans l’exercice de posture bourgeoise. La complaisance formelle tend une passerelle vers l’empathie pour les personnages, insufflant une mécanique qui tourne. En revanche, la dernière partie, dérive romantique dans l’Europe sordide des clandestins, est très faible tant les artifices tournent courts. Résultat des courses : bourgeois touchant, Fieschi peut l’être mais en Ken Loach du sud, il n’assure pas une cacahuète.