Attention, la cabane du titre n’a rien du Rubik’s cube de l’horreur que l’affiche laisse attendre, pas d’aberration à la Escher, de labyrinthe en planches : c’est un simple décor à la dérive, poussé au hasard des brises tournantes du scénario. Le film est écrit par Joss Whedon, réalisateur de The Avengers, et réalisé par Drew Goddard, scénariste de Cloverfield – duo formé sur Buffy et les vampires, dont Whedon est le créateur. Autrement dit un noeud qui paraissait solide. Le premier gros défaut du film, traîné pendant près d’une heure, c’est d’étouffer sa progression dramatique en faisant de la nature de son projet, de sa catégorie, de son genre, le mystère principal : dans un film d’horreur classique (une poignée de jeunes partent en vacances dans un coin reculé, tombent sur des rednecks, puis sur des breloques de cave, vieux journaux intimes, formules et démons qui s’en suivent), on trouve quelques touches SF discrètes tendant, mais pas trop, à en remettre en cause la réalité, avec irruption régulière de séquences plus ou moins comiques en entreprise, sans rapport apparent avec le reste, si ce n’est que cette entreprise semble contrôler les événements à distance (au propre comme au figuré). On voit enfin venir le créneau, quelque part entre l’expérience de La Maison du diable et l’arène informatisée d’Hunger games, mais avec également un essai ironique à la Scream. Dans l’ensemble, un exercice de style moche et vaseux. La Cabane dans les bois délaisse la robinsonnade horrifique pour le devoir de vacances sous parasol, comme un scout qui s’en tiendrait à la théorie, préfèrerait la cahute sur papier à carreaux.
Ce que le réalisateur moque avec une littéralité assez vulgaire (un sommet : la projection de phéromones pour modifier les comportements sexuels d’un couple), c’est bien sûr Hollywood et son goût de la formule, du calibrage, de l’idée-programme. On s’enthousiasme un peu en remarquant que les personnages, luttant contre les monstres qui les assaillent, cherchent d’abord à s’extraire de leur statut de figurines (la blonde nymphomane, la vierge amoureuse, l’intello à lunettes, le sportif de fac, le fumeur de joints, promis à telle ou telle destinée) jusqu’à parvenir, en bout de course, à retourner les créatures contre leurs exploiteurs dans un débondage de toutes les mythologies fantastiques (allant du loup-garou à la licorne), ballet de monstres envahissant un cadre devenu bientôt incontrôlable. Evidemment, on pense à l’autre orgie du moment, The Avengers, mais où celle-ci met en scène une grande libération de forces et de mouvements, celle-là produit une fugitive illustration de conférence, un slide Powerpoint de conclusion pour briefing d’une heure trente – c’est-à-dire exactement le contraire. On nous vante l’inattendu, l’imprévisible, l’oeuvre ouverte, le noble geste performatif. Or nous sommes en plein narcissisme de film de genre, c’est-à-dire de genre sans genre, un film que les torsions et enroulements méta essorent de toute invention, de toute émotion (potentiellement ici : la peur ludique) au profit de minauderies conceptuelles et de clins d’oeil de pithécanthropes.