Après la seconde guerre mondiale, dans un village minier du sud du Kazakhstan, une bande de gamins de 10 à 15 ans découvrent à la dérobée, les pulsions qui travaillent le monde autour d’eux. Leur éducation, ils se la constituent eux-mêmes, en propre, dans des positions récurrentes de voyeurs, de voleurs d’images. Construit de la sorte, ce savoir sait constamment s’affirmer face au monde des adultes sans pour autant ressentir la nécessité de le renverser. Avec peut-être, au contraire, la conscience d’en avoir besoin (voir les scènes où le petit Esken vient téter sa mère). Des adultes qui de leur côté ne s’offusquent pas réellement de cette indépendance toute relative, une tolérance leur permettant d’éviter de devoir engager une lutte face à des enfants auteurs de leurs propres expérimentations. Cette proposition implicite d’en savoir un peu plus sur ces relations, qui nous est faite en quelques plans en introduction du film, dès lors qu’elle est posée, est aussitôt oubliée. Elle est noyée dans le bric-à-brac hétéroclite accumulé par le film : découverte par ces enfants de la sexualité et de l’amour à travers les adultes, présence vaporeuse et dépassée mais néanmoins dangereuse des appareils de l’État communiste, présence aussi de prisonniers japonais proches de l’intégration mais toujours ennemis, exposition qui devient presque pittoresque (notamment l’incontournable idiot du village) de la vie sociale d’un village minier Kazakh.
Tout cela est bien pointé, comme s’il s’agissait de ne rien oublier, malheureusement rien n’est véritablement traité. A la différence du Tueur à gages d’Omirbaev où rien du Kazakhstan n’est montré mais où tout existe, ici tout est montré mais absolument rien n’a d’existence. Finalement seul le paysage (collines et géographie du village), oublié par le pointage de Narymbetov, parvient à affirmer son existence par lui-même. On pourrait apprécier l’aspect hétéroclite du film porté par une approche visuelle contemplative. On pourrait accepter de ne pas chercher de finalité, de sens, de lien. Simplement la vie au travail. Accepter l’idée que tout a commencé avant nous et que tout continuera sans nous, et que nous n’en saurons pas plus. Mais une telle approche exige de savoir désigner du regard et ne supporte pas qu’un index nous indique la direction. C’est là que Narymbetov flanche réellement. Beaucoup de scènes sont trop didactiques ; les faits construits ostensiblement pour le spectateur. Plutôt que laisser dans ce cadre les choses prendre sens par elles mêmes, il impose de manière forcée et superficielle un point de vue sur l’Histoire (le parti communiste et les japonais), sur les comportements humains (l’amour, la jalousie et la frustration). En apprenant à faire des choix et à s’y tenir, Narymbetov nous donnerait certainement un bien meilleur cinéma.