Dans La Beuze, Michaël Youn fait l’effet d’un peine-à-jouir. Question d’écriture (le scénario n’est pas de lui), d’espace surtout. Car si l’animateur excellait sur M6 en Bozo sous amphèt’, réussissant à déborder le cadre, à transformer le petit écran en champ de bataille hystérique et absurde, le cinéma lui tire la tronche. Trop de place, pas assez de liberté. Roi de l’impro loufoque, de la répartie qui tue, du gag qui sent la gueule de bois, Youn est ici mal à l’aise, comme oppressé par un médium qui lui échappe, lui laisse peu de contrôle, l’étouffe dans un personnage corseté. Ce personnage, c’est Alphonse Brown, loser ringard, ex-taulard qui rêve de se racheter une conduite en se lançant dans la chanson. Mais suivi à la trace par Scotch, son vieux pote junkie, Alphonse fait la découverte d’une cargaison de « Beuze », marijuana expérimentale et explosive fabriquée par les nazis pendant la Seconde Guerre mondiale…
Dès le générique, le ton est donné : images et musique funky, graphisme tendance, hommage sursignifiant à la Blaxploitation. La Beuze surfe ainsi sur la vague du revival bordélique, nostalgie 70’s (il semble que les deux auteurs aient été nourris au mamelon de Pam Grier) et 80’s (Scotch et Alphonse chantant à tue-tête le 99 Luftballons de Nena) à tous les étages. Bref, des références de djeun’s vaguement branchés, pétris de sous-culture, le genre à sniffer trois lignes de coke avant d’aller s’éclater en soirée « Gloubiboulga ». C’est déjà mieux que d’insulter les Japs dans un taxi marseillais, bien sûr, mais ce tapis de bon mauvais goût (qui frise le rance à force de jouer sur la fibre nostalgique) ne suffit pas à faire un film, d’autant moins une comédie. Si l’on sourit deux ou trois fois devant des situations à la Wayne’s world, l’ensemble se rétame péniblement, les répliques tombent à plat, et l’intrigue mêlant bimbo aguicheuse et gangsters à la noix se délite régulièrement pour s’achever dans un bâclage total, sans que cette confusion potache ne fasse jaillir en nous la moindre once de plaisir vicelard. Abandonnés au coeur d’un improbable no man’s land, Scotch et Alphonse concluent le film avec une mine désabusée, comme conscients de leur contre-performance, encore plus atterrés que nous par cette piteuse pochade.