Doit-on encore présenter Richard Berry cinéaste ? Malgré un premier film sympa (L’Art (délicat) de la séduction), Berry a trouvé en Europacorp une maison, comme on dirait d’une boîte de com. L’Immortel ne ressemble même pas à un film, c’est un produit dans tout ce que cela peut avoir de plus tristement décoloré : un film-carte de visite tentant vainement de faire croire que son cinéaste l’a réalisé, soit un tas de plans livrés en kit ressemblant comme deux gouttes d’eau à ce que la boîte de Besson a déjà refourgué à d’autres tâcherons moins en vue (des Audis flambant neuves, des chromos hideux sur des paysages de carte postale, une musique pompière et des personnages de viandards-nés se prenant pour des caïds). Riche ou fauché, le cinéma de genre n’existe que lorsqu’il parvient, ne serait-ce que le temps d’une scène, à faire croire qu’il échappe à sa triste logique de duplication. Renforcé par son casting Hippopotamus (Reno, Merad et Marina Fois), pas un plan de L’Immortel ne parvient à faire oublier la bêtise, le néant et la vulgarité de ses conditions de production.
L’idée de faire de Kad Merad une sorte de sucédané burlesque et filandreux du Joe Pesci ultraviolent des Affranchis aurait pourtant pu réussir si une seule ligne du scénario venait contredire l’étouffant sérieux des intentions. Chez Besson, la beauferie purulente (les scènes de réglements de compte qui ressemblent à des scènes de beuverie pour nouveaux riches ), la prétention à la grandeur (façon hymne de la Ligue des Champions) et la nullité de la mis en scène (ah, ces accélérés de sous-manga qui se rêvent en griffe d’esthète) ramènent en permanence à l’absence monstrueuse d’imaginaire qui demeure la grande particularité de l’usine Europacorp. Sans l’arrogance bicéphale qui le porte (Berry / Besson), L’Immortel ne serait probablement qu’une petite contrefaçon de série B se rêvant plus belle qu’elle n’est (Navarro versus Le Parrain). Mais tant d’impuissance dissimulée sous une telle concupiscence droitière en font une agression d’une rare violence contre l’idée même qu’on peut se faire du cinéma populaire.