Frédéric (Bernard Campan), chimiste cartésien est troublé par le discours d’Hugo (Berling) son voisin homosexuel et designer qui prône une vie de cow-boy solitaire. Une discussion sous les étoiles finit de remettre en question la douce routine de son couple. Frédéric est bouleversé. Amoureux, c’est une autre histoire. L’Homme de sa vie, c’est l’alliance improbable de Wong Kar-wai et du cinéma bourgeois, comme si un mini Gus Van Sant réadaptait Gazon maudit en sérieux. Il est donc facile de se planquer derrière le sarcasme et étudier le film comme un machin stylisé bourré de maladresses. C’est sûr, Zabou Breitman a la volonté d’imposer un univers, sinon une grammaire dont elle ne maîtrise que les tenants et pas les aboutissants.
Son film installe donc ses images et tente d’y trouver une signification : lyrisme exacerbé, chair de poule saisie en gros plan, caméra subjectives ou autres peintures champêtres d’une nature en plein émoi (le champs de tournesol, traversé par le couple Campan-Berling, séquence reprise pour l’affiche), tout est posé au moins deux fois, le temps d’en mettre plein la vue et d’y réfléchir. Tout cela est beau parce que c’est brinquebalant, semble nous dire Zabou Breitman. Le film s’ouvre d’ailleurs sur une figure de style pour le moins essentielle : un voile gonflé par un mystérieux courant d’air à l’angle du couloir et de la cuisine de la bâtisse familiale, phénomène qu’une mémé malicieuse confesse ne rien comprendre. Voilà donc l’ambivalence du film qui se laisse porter par le feu d’une passion ou du tout sensoriel et, dans le mêle temps, s’en détache autant que possible.
En résulte une frustration qui sert le scénario par défaut. D’accord, Zabou Breitman préfère l’eau tiède à la passion, du moins le trouble qu’elle cuisine à toutes les sauces. Tout est digression, symbole un peu lourdaud : le tee-shirt de Campan reflète le mot « Univers » à l’envers dans le bar du village, Berling exhibe ses proies d’une nuit sur une vitre géante, etc. Beaucoup d’images, donc, mais peu de mouvements : ceux-ci sont cristallisés en figures grandiloquentes (la main de Campan effleurant le biceps moite de Berling avec roulement de tambour en bande son) au même titre que les petits riens familiaux. D’où la gêne persistante du film à franchir le cap de l’incarnation : l’homosexualité en reste toujours à l’image d’Epinal, de l’éphèbe qui pique une tête cul nu dans la piscine à l’hétéro tremblotant au seuil d’une boite gay. On y voit pourtant un peu plus que de l’encanaillement bourgeois. C’est-à-dire, qu’est-ce qu’on y voit ? On ne sait pas bien (Breitman non plus), mais L’Homme de sa vie assume crânement cette insatisfaction, ce qui n’est sans doute pas grand-chose mais pas rien non plus.