A n’en pas douter, quelques nostalgiques (de quoi précisément, je vous le demande) iront dire de L’Heure magique qu’on y retrouve tout ce qui faisait le charme et l’ambiance des bons vieux films noirs américains, que l’intrigue est subtile (ah ça, qu’on m’explique en quoi !), que Newman et Hackman, et Sarandon, vraiment, quel trio !
Mais n’écoutez pas les balivernes. La sophistication de L’Heure magique, à bien regarder, n’est qu’illusoire : à peine le travail du chef-opérateur rend-il plus lumineux les plans de villes nocturnes américaines. Le vrai nostalgique, suite aux mille bâillements qu’aura suscités chez lui ce film, défendra plus probablement le cinéma policier des années 40/50 (Hawks, Preminger, Lang…) sans penser une seconde à dire que le film de Benton en est l’actualité. Le vrai nostalgique, avec tout ce que le terme autorise de bataille et de volonté ne peut que détester L’Heure magique où règne l’incompréhension envers la grandeur perdue du cinéma policier, et la complaisance quant au cliché qu’il est devenu.
Soit un ex-flic (Paul Newman), devenu privé à la solde du bel et riche Gene Hackman ; et notre héros de se lancer dans une enquête sur un chantage, un meurtre vieux de vingt ans, et quelques morts récentes. Mais l’intrigue semble n’être qu’une poignée de terre avec laquelle on s’efforce d’emplir un grand trou : le canyon narratif qui va de la cinquième minute du film à son avant-dernière. En effet, Paul Newman se prend dès le début du récit une balle de revolver dans le haut de la cuisse. Une heure et demie de clichés et de pauvres rebondissements plus tard, pendant laquelle on a bien pris soin de rire sur le pénis soi-disant troué de Paul Newman, le héros -vieux et balourd, probablement comme dans la vie- voit sa nouvelle petite amie lui mettre la main dans le caleçon, « pour vérifier ». Qu’un aussi mauvais policier américain choisisse comme cadre de son action une piètre blague comme celle-là en dit long sur l’opportunité qu’il y a à se rendre au cinéma et dépenser 40 F (sinon plus, dans les UGC…). Payer pour qu’on se paye votre tête, ou aller voir un autre film, c’est à vous de choisir.