L’agression du gardien d’une grande demeure bourgeoise et de sa compagne, au cours d’un cambriolage, suscite des interrogations. L’Heure du crime est un polar moins poussiéreux que ne le suggère ce titre français digne de Pascal Thomas. On lui aurait préféré « L’heure double », traduction littérale du titre originel italien, lequel évoque directement sa structure. Double parce que s’enchâssent ici deux versions d’un fait-divers: celle de la fille, femme de ménage qui repart au travail, encore secouée, puis celui de son fiancé, ancien flic, qui, à peine remis sur pied, mène l’enquête. De la romance contrariée au polar amnésique, de la morosité quotidienne du néo prolétariat italien à son exil doré à Buenos Aires, le film se réécrit constamment ou se dédouble, entre rêve et réalité, hébètement et réaction.
On pense forcément à une sorte d’Inception privée de sa technologie foraine : même défi du rêve filmé, même séduction du spectateur par le vertige et la mystification, même fantasme, surtout, d’emboîter deux imaginaires. Cependant, l’enjeu ne consiste pas à triturer le rêve, ni même à le pirater, mais au contraire à faire que l’intrigue s’y fonde entièrement. Capotondi introduit ce principe avec une perversité efficace, entre Hitchcock et Lynch, piquant le quotidien de l’héroïne d’échos troublants, de visions malsaines pour l’aspirer ensuite dans le cauchemar pur. Mais tout part du réel, que le cinéaste brosse attentivement sous forme d’une chronique sociale résumée en une guerre larvée entre les classes et les sexes : condescendance des patrons de l’hôtel où travaille l’héroïne, clients pervers, morosité des aventures sans lendemain, duperie systématique du petit peuple. Voilà qui permet à L’Heure du crime de garnir un peu plus son portrait de femme et, par là même, de déborder naturellement le cadre de la roublardise auquel il semblait prédestiné. Encore une double lecture possible : le film fantasme aussi bien la revanche des femmes prolétaires, qu’il projette leurs pires cauchemars.