Palme d’or à Cannes en 1998, L’Éternité et un jour pourrait être critiqué pour ses « trop » belles images, pour son côté attendrissant dans la relation entre un vieil homme et un enfant, comme si Théo Angelopoulos n’avait eu pour seul but d’obtenir justement la Palme. Mais le nouveau Angelopoulos est fort réussi et ses belles images ainsi que le choix d’un scénario touchant ne sont qu’un parti pris renouant avec un cinéma lyrique qui vise l’émotion pure et simple du spectateur. Alexandre (Bruno Ganz), écrivain célèbre, retrouve une lettre de sa femme Anna (Isabelle Renauld). Cette lettre va lui permettre de se remémorer une journée d’été passée avec elle, et le bonheur qu’ils ont si rarement pleinement partagé. Il se remettra en cause, lui, son œuvre et ses origines, et grâce à un petit garçon émigré clandestinement d’Albanie, il décidera de partir à la quête de ces mots oubliés et de cette journée passée ensemble.
Dès le début du film, Théo Angelopoulos filme en travelling excessivement lent. Cependant, cette lenteur n’agace pas. Elle nous contrôle dans la mesure où la caméra véhicule notre regard. Ces longs travellings omniprésents jusqu’à la fin du film nous hantent, nous fascinent et nous laissent impuissants face à la vision d’un cinéaste qui n’observe plus les choses mais les contemple dans toute leur beauté et leur simplicité.
Ce regard représenterait peut-être celui de l’enfance dont la thématique est ici intelligemment épuisée. Reprenant la pensée d’Héraclite pour qui le temps est un enfant qui joue avec les osselets au bord de la mer, Angelopoulos construit son film autour d’un homme face à son destin et à son itinéraire paradoxal entre passé et présent. La figure féminine y est également sublimée de façon passionnante, par le passé, les rêves, la mémoire.
L’Éternité et un jour est un drame sur un exilé qui a perdu ses origines, sa langue natale et qui prend conscience de la mort. La magie du film est de nous faire réaliser que le cinéma peut nous rendre présent le passé même si celui-ci n’est que pensées, souvenirs, regrets. Le sujet, d’après son auteur, est le suivant : « Vivre ou écrire ? Cette question est au cœur de mon film. L’achat des mots en est la métaphore. On paie de sa personne pour chaque mot qu’on trouve, pour chaque image qu’on tourne… ».
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