On entre dans L’Enquête au beau milieu de l’enquête : à peine le film a-t-il commencé que Tom Twyker nous plonge dans une discussion entre deux types dans une voiture sombre, avec sièges en cuir qui font un barouf de tous les diables au moindre frottement, et une cigarette qui, s’embrasant, fait le bruit d’un chalumeau. Il est question d’argent, de trafic d’armes. Le film prend le pari de nous intéresser à une enquête dont on ignore les prémisses ; au moment où il commence, l’agent d’Interpol Louis Salinger (Clive Owen) et l’adjointe du procureur de New York Eleanor Whitman (Naomi Watts) travaillent sur leur dossier depuis deux ans. C’est que, dans l’univers investi par le film (les crapules de la haute finance), le temps et l’espace possèdent d’autres coordonnées, d’autres référents. C’est à la mise en scène qu’échoit le travail de brouillage propre à ce genre de récit (sous-genre du thriller international sur fond de business sale), c’est là que Twyker fait très vite la démonstration de ses limites.
L’Enquête résonne beaucoup, bien sûr, avec l’actualité, et s’inspire d’une célèbre affaire (la BCCI, banque qui spécialisée dans l’argent sale, et qui fit une retentissante faillite dans les années 90). Sans surprise, il voyage : de Berlin à Istanbul, de Milan à New York, en passant par Lyon. Il y a même un plan sur Clive Owen qui rentre chez lui dans une rue française (avec bar PMU au fond du plan)… alors qu’il est censé être à Berlin ! Donc il voyage, et pénètre dans l’architecture froide du grand capital, ces bâtisses immenses et vides où même les hôtesses d’accueil, et leur allure de dominatrices frigides, ont l’air de faire partie d’un vaste complot. Jamais le film ne parvient à donner le tournis, ce vertige que l’on doit éprouver dans ce genre de film quand, en une fraction de seconde, c’est une totalité qui se dévoile, comme un voile qu’on soulève. Twyker ne fait que picorer et s’acharne à nous intéresser à cette enquête déroulée platement, à cette délinquance en cols blancs qui n’est jamais rien d’autre, ici, que ce qu’on imagine qu’elle est. Rayon action, tout est hyper programmatique, téléphoné. Même le morceau de bravoure du film, une fusillade dans le Guggenheim qui, une fois commencée, semble ne vouloir jamais finir, et se révèle très vite comme le clou du spectacle. Ça n’est jamais honteux, mais L’Enquête ressemble davantage à un épisode d’Alias qu’à New Rose Hotel.