Les réalisateurs de Narco confiaient lors de la promo de leur film qu’ils avaient été surpris par le recul de Jean-Claude Van Damme sur sa propre image. A les croire, ils auraient décidé de l’embaucher pour un guest lorsqu’il leur sortit, d’une voix lasse : « Allez, je sais bien que je passe pour un guignol en France ». Pourtant depuis quelques années, il faut bien séparer deux visions du « Muscle from Brussels ». Celle dont les émissions d’Arthur et Laurent Boyer se repaissent en usant jusqu’à la trame de sempiternelles secondes d’interviews où Van Damme philosophe sur le sens de la vie et celle qu’il laisse émerger au cinéma depuis une poignée de films. A l’origine de cette transformation, il y a Ringo Lam, le Michael Mann hong-kongais (voir le génial Full alert, dispo chez HK vidéo en VHS, pour s’en convaincre), qui après John Woo et Tsui Hark a décidé de chaperonner le comédien. Mais contrairement aux deux autres, Lam n’a pas vu en Van Damme un passeport pour Hollywood. Il a préféré remodeler l’ex-VRP de la Cannon films. Une initiation débutée avec Replicant, surprenante histoire de clones où le réalisateur désossait le Belge, le forçant littéralement à abandonner des tics, pour le réaccoucher de lui-même. Plus tard, dans l’intéressant film de prison In hell, il le mettra au régime sec, lui extirpant des inattendues scènes d’émotion. La troisième étape n’a pas eu lieu. Ringo Lam aurait dû réaliser L’Empreinte de la mort. Pour d’obscures raisons, le Marseillais Philippe Martinez l’a remplacé. Au vu des quelques films joués par Van Damme entre temps (l’atroce Derailed récemment débarqué chez nous en vidéo sous le titre Point d’impact), on a cru que cette collaboration belgo-asiatique n’avait été qu’un coup dans l’eau. On avait tort.
Le scénario de L’Empreinte de la mort ramène aux grandes heures du film de Vigilante, ces films d’autodéfense un brin douteux où le droit à la vengeance justifie tout, essaimés au long des 80’s dans le sillage d’Un Justicier dans la ville. Un méchant boss de triade à tué par erreur la femme de Jean-Claude. Celui-ci est très colère et va tout péter. Un argument de direct to video (et c’est d’ailleurs comme ça qu’il est sorti aux Etats-Unis) mais c’est bel et bien Martinez qui est resté bloqué dans une faille spatio-temporelle : sa mise en scène ravive toute la frime visuelle des clippeurs de l’époque : filtres, contre-jours, éclairage au néon. Pas loin d’un « MTV d’il y a vingt ans pour les nuls ». Un enrobage bouffi engloutissant presque la performance de Van Damme, qui a visiblement retenu les enseignements de Lam et se paie le luxe entre deux tatanes d’approcher à défaut d’une sobriété, une belle crédibilité dans des scènes dramatiques. Au point de montrer qu’il sait aujourd’hui mieux pleurer que lever la jambe pour un high-kick. Niveau baston (avouons qu’on va aussi voir un Van Damme pour ça), L’Empreinte de la mort est là aussi une bonne surprise, qui n’hésite pas à aller autant vers la cruauté que vers la performance physique. Dommage que cette sécheresse soit noyée par un montage à la hauteur de la mise en scène : pénible. Ce qui n’empêche pas ce film d’être à Van Damme ce que Justice sauvage est à Steven Seagal : son meilleur film à ce jour. Bien sûr, s’il pouvait renouer avec un supplément de Lam, ça serait encore mieux.