Chuck Russell a longtemps végété dans la série B avant de se faire remarquer avec The Mask, jackpot inattendu de la compagnie New Line qui lui valut qu’on lui confie L’Effaceur, sa dernière réalisation en date. Le scénario de L’Elue lui permet aujourd’hui de renouer avec le fantastique et l’horreur, genres qu’il aborda dès ses débuts en tant que producteur exécutif à l’aube des années 80 avec Hell Night, puis comme scénariste de Dreamscape, et enfin avec son premier film : Freddy 3 : les griffes du cauchemar. Plutôt habile dans le recyclage, le bonhomme se sortit honorablement de ce passage par l’univers de Wes Craven aussi bien que du remake du Blob, hommage compétent au film de terreur des fifties.
Douze ans et quelques millions de dollars de budget plus tard, Chuck Russell doit se débattre avec un matériau plutôt pauvre que sont censés rehausser un casting de renom et des effets spéciaux de pointe. Las, la sympathique énergie de ses premiers pas a disparu et n’apparaissent plus ici que les ficelles grossières d’un sujet archi-rebattu : la lutte d’une enfant innocente (et autiste !) contre les forces du mal convoquées par une secte sataniste à l’occasion du nouveau millénaire. Ce copier-coller qui emprunte à Rosemary’s baby autant qu’à La Malédiction ne s’embarrasse d’aucune nuance. D’un côté, une quadragénaire blonde aux jambes de rêve et au lit vide (une catégorie en pleine recrudescence dans le cinéma hollywoodien d’aujourd’hui) assisté d’un flic compatissant spécialisé dans la lutte contre les puissances obscures (Jimmy Smits de New York Police Blues), de l’autre, des méchants tout pâles et camés qui invoquent Satan et semblent avoir dévalisé la garde-robe de Robert Smith. Difficile de ne pas reconnaître ces derniers : ils se trimballent avec une seringue à portée de mitaine, des tatouages et des piercings à gogo et quand ils deviennent vraiment dangereux, ils se métamorphosent en gargouilles volantes de synthèse. Voilà pour la finesse !
Entre les passages où l’élue en question -une parfaite tête à claques soit dit en passant- ressuscite les pigeons morts ou allume des cierges à distance et ceux où les seconds couteaux de service (Rufus Sewell, Ian Holm) cabotinent à qui mieux-mieux, le spectateur à tout loisir de s’attarder sur les effets visuels grotesques et ratés qui deviennent de plus en plus envahissants au fil du récit. Chuck Russell se contente d’aligner des plans sans la moindre conviction et ne réussit même pas à s’amuser de la stupidité de ce qu’il filme. Reste alors un thriller horrifique bien peu captivant qui, à défaut de susciter la terreur, provoque les bâillements. Un mauvais tour du diable, probablement.