Souvenons nous d’Eric Rochant, jeune talent apparu au début des années 90 qu’on hésitait à classer comme le fils légitime de Godard (Un Monde sans pitié) ou l’enfant naturel de Spielberg (Les Patriotes). Années 2000 : d’Anna Oz, sorte de Blue velvet du pauvre à Total western, BD gouailleuse avec Samuel Le Bihan en loubard, il ne reste plus une miette du petit wonderboy. L’Ecole pour tous, comédie sur la glande et la rédemption peut sans doute se voir comme une tentative désinvolte ou opportuniste de saisir sa seconde chance. Petite frappe de Montrouge, Jawad se cache dans la banlieue d’en face. De quiproquos en coups de bol, il troque son identité contre celle d’un prof de lettres muté au collège d’à-côté. Sans être foncièrement convaincant, le système l’accepte quand même. Il faut rire maintenant.
Le film avance sciemment à reculons, jamais aussi fier que quand il ne se passe rien. On imagine bien que cette passivité est une posture délibérée, fidélité au credo de Jawad, héros malgré lui, toujours imposteur parce que glandeur. Reste que l’humour ne prend pas, grippé par cette indolence systématique qui finit par tout massacrer. C’est le risque de la blague pas drôle qui doit justement faire rire pour son indigence : sans volonté, sans énergie cachée, sans un minimum de foi en sa mécanique, le gag n’est plus. De fait, c’est ce qui arrive à Rochant, qui ne traduit de l’infantilisation du personnage au système qu’une forme de routine douillette, une bureaucratisation de la comédie.
L’Ecole pour tous est donc une comédie en kit à monter soi-même, absolument désincarnée : les séances en classe, ponctuées par les vannes de la France black-blanc-beur interchangeables, l’outing foireux de Jawad que, ni son cousin ni ses élèves, ne consentent à admettre, la nullité de ses cours, assaisonnée tout pareil du début à la fin. Si la démagogie progressiste du sujet (bouge-toi, la France t’aidera) persiste, elle n’atteint pas le film lui-même, gros mammouth dépressif, indécrottable et cynique, engoncé dans sa routine de produit sociétal. A ranger entre un épisode de Madame le Proviseur et Seconde B.