La comédie américaine a de la ressource. Si L’Ecole des dragueurs n’est pas ce qu’on peut appeler le fleuron du genre, il ne donne jamais l’impression d’anémie que le cinéma français peut inspirer dans pareil cas. Le film de Todd Phillips paraît même solide comme un roc, déployant sans effort ses sous-couches potaches avec une belle grâce métronomique. La dialectique tend au pléonasme sarkozyste, mais le talent de Todd Philips, maître dans l’art de l’étirement, roi de la galipette foirée sans inadvertance, permet cette cohérence improbable.
Starsky & Hutch ou Road trip jouaient à fond cette carte du running gag interminable, exécuté sans explosivité. L’école des dragueurs fonctionne sur le même régime : ne pas vouloir ou pouvoir conclure, envers et contre toutes règles. Le principe est d’autant plus remarquable que le scénario repose sur un schéma plus classique que les oeuvres précédentes. Plus de soirées déguisée ou de grotesque régi en normalité ici, mais une exploitation de la rivalité masculine vieille comme le monde. Le pitch : un jeune contractuel coincé intègre la lose academy d’un bateleur charismatique (Billy Bob Thornton, impec) qui entend réveiller le prédateur en chacun de ses élèves. Méthodes violentes évidemment, à première vue pas très subtiles (chaque membre du groupe doit agresser son prochain dans la rue ou s’en prendre au plus faible lors d’un commando en paint ball), mais qui ouvre rapidement sur autre chose qu’une sérénité rigolarde.
Rapidement décomplexé, le héros réalise que le monde qui l’entoure n’a pas changé. Monde hostile, pleutre, bourré d’injustices contre lesquelles on ne peut rien. A commencer par son prof, pas détaché de sa méthodologie, qui entreprend de détruire ses meilleurs éléments pour rester le chef en draguant leur copine. Contrariété plus que progression en somme. Là où certains comiques grossiers laissent le système les prendre en charge (Click avec Adam Sandler par exemple), les bercer dans un monde fantasmatique, Phillips n’en montre que les béances : le tyran affectueux n’est qu’un habile salopard, ses disciples des moutons reprogrammés. Un fatalisme ambiant avec lequel il faut manoeuvrer : se venger sans se faire voir, mentir pour séduire, savoir frapper, brusquer mais ne jamais casser le rythme. En témoigne une partie de tennis vengeresse où le gamin s’acharne sur son mentor à coup de raquettes faussement maladroites : coups bas, politesses, malentendus filandreux, au bout desquels la perfidie gagne toujours. Pas de doute, Phillips est un faux gras.