Un jeune bellâtre tombe sur un iPhone égaré et s’entête à retrouver son propriétaire. À sa grande joie, ledit propriétaire se révèle être une succube au châssis de speakerine météo. La joie est de courte durée, puisque celle-ci tente de suicider devant lui. Explication : la beauté peroxydée (mais énigmatique, attention) abandonne régulièrement son existence dans un simili-Second life gothique, et cherche un compagnon virtuel pour se foutre en l’air. Les contours d’un schéma hitchockien semblent bien tracés – l’attirance primaire vire rapidement à l’obsession tragique lorsque la vamp happe le benêt sur la toile. L’Autre monde a au moins ce mérite : Marchand abandonne rapidement toute ambition de portrait social sur les nouvelles accoutumances numériques. Le film reste tellement soucieux des codes dont il s’inspire qu’il oublie de se poser en petit contempteur d’une jeunesse dorée en perdition. Car ce qui obsède Marchand, on le sait depuis longtemps (voir son tandem avec Dominik Moll), c’est de marcher sur les pas du grand Hitch, de reprendre à son compte (avec pour cadre, ici, l’addiction virtuelle) l’idée d’une passion destructrice jusqu’à la déchéance tragique. Refaire Vertigo à l’ère 2.0, en somme.
Le catalyseur virtuel de ce polar laissait espérer un bac à sable assez jouissif pour ce genre de maniérisme. Mais la citation ne fait pas illusion bien longtemps : impuissante à se ressourcer dans un sujet aussi prolifique, la mise en scène s’essouffle rapidement, avant de tomber raide. Parce que le film n’offre aucune vision savante du jeu vidéo contemporain ? Ce n’est pas le coeur du propos, pourrait-on répondre, à raison. Pourtant, les séquences in-game, assez léchées, détonnent par rapport aux (indigestes) images réelles – principalement par leur capacité à créer l’immersion dans un monde virtuel crédible. Problème : la vacuité narrative balaie rapidement ces quelques excentricités et anesthésie tout. Comme paralysé par ses ambitions, le film enquille bêtement salves de scènes aussi prévisibles que mal dialoguées, à l’image du fameux plan promis par l’affiche, sommet de ridicule singeant Le Mépris (« et mes fesses ? ») version piscine. Ne flottent, en surface, qu’un casting pantouflard (tous, de Leprince-Ringuet à Poupaud, fournissent le minimum syndical) et une psychologie vieillotte (la gouaille d’un Bertrand Blier en moins). Au bout de ce tunnel d’indigence, le finale vient donner la preuve ultime que L’Autre monde ne recule devant aucune bouffonnerie, comme tout bon nanar. Le côté attendrissant en moins, peut être.