Land of the dead avait ouvert la voie : pour la première fois chez Romero un personnage condamné par morsure (le flic impulsif interprété par John Leguizamo) refusait qu’on l’abatte, préférait aller voir de l’autre côté, devenir mort-vivant plutôt que mort tout court. Ses successeurs ont retenu la leçon : oubliant toutes ces histoires de damnation, de malédiction attachée à l’immortalité, les ados de 2009 veulent devenir vampires. C’était une des nombreuses raisons d’aimer Twilight : cette manière assez retorse de dissimuler derrière un « je veux vivre pour toujours avec mon amoureux » midinette un « je veux vivre pour toujours » tout court, expression d’une angoisse terrible qui faisait ressembler le film à un immense fantasme issu de l’imagination apeurée d’une jeune fille.
L’Assistant du vampire ressemble aussi un peu à une histoire à rallonges qu’on se raconterait sous la couette, mais la dimension existentielle n’est pas centrale ici. Il y a bien la solitude du vieux vampire (John C. Reilly et sa douceur bougonne : grand choix de casting), celle-ci n’apporte finalement qu’une touche de maturité appréciable, mais secondaire. L’Assistant du vampire est globalement un film sans névrose. Quel intérêt, dès lors, à devenir vampire ? L’initiation, l’émancipation de la sphère familiale et sociale, la découverte du monde et de ses perspectives infinies (et pour Steve la revanche sur un monde qui l’a meurtri : beau personnage que le film s’empresse un peu à faire passer du côté obscur). Twilight était dépressif ; celui-ci se veut fonceur. L’Assistant du vampire emprunte souvent les traits du roman d’apprentissage, le héros rencontre un cirque comme on croisait un régiment, découvre le travail, l’amitié et l’amour sous les traits d’un jeune guitariste cool à la peau d’iguane et d’une délicieuse ado pourvue d’une impressionnante queue de singe. Le cinéaste s’en tire avec les honneurs : il aurait été facile de verser dans l’éloge gnangnan de la différence, ou dans l’exhibition d’imaginaire (risque de la galerie de freaks : on songe au naufrage qu’aurait été le film entre les mains d’un Burton ou Gilliam dernière période), Weitz n’en rajoute pas et mène son récit à un rythme enlevé, avec une conscience amusée des impératifs d’un produit manifestement ciblé kids de treize ans, forcément un peu crétin par endroits (un méchant de dessin animé cabotin), mais finalement pas tant que ça. On est même plaisamment surpris de voir Paul Weitz, après l’astucieux American dreamz, s’essayer à un post-modernisme futé : le film frôle régulièrement la parodie (de Spiderman entre autres), et a surtout une manière assez abramsienne d’être en permanence dans le commentaire distancié et enjoué du mythe, proposant d’incessantes et légères inflexions au modèle du vampire.
L’Assistant du vampire détonne aussi par son héros, à rebours de tout ce qu’on a aimé et défendu ces dernières années dans les meilleurs teen movies. Darren est beau gosse, plutôt populaire, sûr de lui, bref bien dans ses Converse, et le film n’adresse qu’un signe de main gêné aux freaks and geeks du collège, tous également weird. Soyons clairs : on ne renie rien des Apatow-movies et de leur attirance pour les timides, les angoissés, les losers magnifiques. Mais l’exception d’hier étant tellement devenue la règle, il faut bien reconnaître que ce contre-courant (à condition qu’il le reste : qui rêve du retour des reines de prom’ et bully footballers ?) a quelque chose d’assez rafraichissant dans son absence d’atermoiements. Et puis Michael Cera ne peut pas continuer à rafler tous les rôles d’ado pour les cinq ans à venir. Le film est à cette image : sans grand relief mais séduisant par sa santé frondeuse et sa soif d’expériences.