Reprenant les classiques prétextes censés crédibiliser le film d’action (thriller politique, complot international, corruption en haut lieu, etc.) L’Art de la guerre est avant tout un film à la gloire de Wesley Snipes. L’ex-acteur fétiche de Spike Lee, passé maître en arts martiaux, interprète Shaw, un agent secret de l’ONU (eh oui !) qui, après l’assassinat d’un émissaire chinois venu signer des accords commerciaux, découvre un complot qui se trame en haut lieu contre les intérêts chinois en Amérique. Shaw, en tant qu’agent secret, n’a pas d’identité publique et son existence est tenue secrète. Menacée de toutes parts, sa vie ne vaut pas grand-chose pour ses ennemis, ni même pour ceux qui devraient être ses appuis. Flanqué d’une jeune interprète témoin du meurtre (charmante Marie Matyko, dans la gamme très en vogue de la bimbo asiatique), il se débrouille seul, aidé par son flair et ses muscles d’acier.
Probablement grand admirateur de John Woo, dont il cherche souvent à imiter la brutalité et l’emphase, Christian Duguay s’est convenablement acquitté de sa tâche. C’est rythmé, violent, ça tient à peu près debout, et contient quelques plans surprenants, voire des séquences originales et réussies ; comme cette haletante poursuite, reprise en flash-back, où la mémoire du personnage est très intelligemment mise au service du suspense. Dommage que tout le monde se prenne autant au sérieux et qu’il y ait assez peu de recul face au genre, pratiqué ici avec une ingénuité un peu suspecte. Wesley Snipes est inexpressif à souhait, mais il ne dépareille pas le jeu des autres acteurs, totalement mécanique et codifié (Donald Sutherland et Anne Archer déçoivent). La star manque trop de charme et de bagout pour que l’on prenne réellement plaisir à la voir triompher. Les longs plans sur son visage, censés transmettre son tourment intérieur, sont d’ailleurs peu convaincants. Tout comme le fatras politico-racial du scénario, avatar tardif et caricatural de L’Année du Dragon et d’Ennemi d’Etat. Un épilogue grotesque apporte involontairement la touche d’humour zen qui manquait à cette course-poursuite singulièrement dénuée de fantaisie.