Certains diront, à la vision téméraire de L’Antidote et baignant encore dans le souvenir ému de L’Enquête corse, qu’il se passe quelque chose du côté de Christian Clavier. Pas faux. Un frémissement, pas plus, mais quelque chose : Clavier se donne du mal ces temps-ci, au moins il essaie un truc, lui qui d’ordinaire se contentait de suivre une ligne pas fraîche enroulée autour d’un histrionisme ringard et mou. Il semble qu’entre l’époque « ouille » des Visiteurs et la période « aïe » qu’il traverse maintenant, Clavier n’a pas existé. Période « aïe » ? Temps de l’effort pour le comédien lorsque, comme ici et par exemple, il pratique plutôt bien la dyslexie comique. Dyslexie et bafouillements que son personnage, JAM, clone de J2M, subit au moment de s’exprimer en public. Problème. L’antidote ? Villeret, alias André Morin, passionario des petits actionnaires, star des assemblées générales où toujours on finit par lui couper le micro. En sa présence, JAM ne bafouille plus. Parce que Morin a servi de modèle à Boubi, le nounours que JAM a perdu. Donc il adopte l’antidote et le domestique.
Alors ? Alors dîner de con, match retour. Il y en a un vrai dans le film, lorsque Villeret se retrouve à la table du grand capital, là où se vérifie la secrète équation du film : Medef contre Que choisir ? = match nul. Jouant sur le choc entre le popu (ébahi par un robinet automatique, amateur de tripes en sauce et ami des truites sauvages) et le cossu, L’Antidote ne prend pas la peine de compter les points, mais au contraire laisse les chose dans l’état où il les trouve. Si bien que, une fois qu’on a mis la main sur Boubi, et que le film tire à sa fin, Boubi bis (Villeret) et JAM n’ont pas changé d’un pouce. Logiquement, le PDG devait se découvrir, sinon une conscience de révolutionnaire, au moins un penchant pour la pêche à la truite. Naturellement, le petit actionnaire devrait vers la fin du film lui susurrer à l’oreille les vertus de la vraie vie. Mais non, finalement tous doivent cohabiter dans la raideur maintenue de leur statut rigide, l’un (Villeret) devenu ad vitam un bon toutou, domestiqué, tenu en laisse par son maître. Du début à la fin, avec ou sans Boubi, rien n’a changé. Curieux film en définitive, mais navrant aussi, au fond très heureux de barboter avec les bouées raffarinesques que sont Villeret, Clavier et Drucker, forcément de la partie.