Un géant de la télé-réalité invite ses amis de trente ans pour son anniversaire dans sa splendide demeure de Marrakech. Outre le cynique magnifique, on y trouve un flamboyant loser, un traître, une brochette de beaufs très gentils ainsi qu’une poignée de petits jeunes dont les dents rayent le parquet. Bilan doux-amer donc, sur l’état des choses et du temps, Diane Kurys met ses gros sabots pour dresser un portrait d’une génération Mitterrand rangée des idéaux. La tentation est grande, le cinéma français s’étant toujours gargarisé des panels sociologiques et d’un bavardage pseudo-vachard sur la gauche caviar sur fond d’air du temps vicié par la télé. Deux façons de gagner sur tous les tableaux, soit décrocher le jackpot au box-office et chiper les Césars à Bacri-Jaoui.
Diane Kurys, plus franchement dans le coup depuis une quinzaine d’années, en rêve évidemment. Peu de chance pourtant que la machine se relance, tant L’Anniversaire reste à l’état de formule commerciale désespérée. Le casting d’abord : Anglade en demi-frère maudit, Laroque en actrice sur le retour, Palmade pour une énième reconversion ciné… tout ça sent le show-biz aigri, inquiet. Du coup, l’humour ne peut se déployer naturellement tant chaque scène s’apparente à une forme de survie. On est loin de l’aisance de Bacri-Jaoui ou de Danièle Thompson dont le cinéma ne joue que sur une sérénité bourgeoise, certes arrogants eux aussi, mais qui apprécient à juste titre leur carré VIP du cinéma français. Car c’est un fait, L’Anniversaire se force à rire, même de lui-même, surtout de lui-même. Une fragilité d’autant plus palpable que le fond de télé-réalité du scénario ramène le film à sa folle angoisse de ringardise. D’ailleurs, quand les personnages découvrent qu’une caméra vidéo filme par-dessus le 35 mm, tout le monde se glace et, dès lors, la réalité rejoint la fiction.
Seulement voilà, toute déchue qu’elle est, Diane Kurys n’est pas Loana et son assurance professionnelle rejaillit à chaque plan. D’où la routine cynique du film qui ne modifie pas d’un pouce le cahier des charges du genre : personnages réversibles qu’une scène fait chanceler ou galvanise, recours aux artifices les plus extrêmes pour emmener le spectateur avec soi. On pense bien sûr à la maladie secrète de Anglade, tension-truc que Kurys abandonne subitement en fin de film quand ça l’arrange. Du coup, même à l’agonie, la hiérarchie bourgeoise reste inviolée : les têtes d’affiche ont droit à un rôle de plain-pied, les seconds couteaux se cantonnent à la bêtise prolétarienne (Antoine Dulery en serveur archi beauf, Florence Thomassin en shampouineuse vulgaire) et la masse populaire, présente aussi sous la forme de domestiques marocains, n’est qu’un terrain de jeu qu’on piétine allègrement (les fastes de Lambert Wilson) sans qu’un seul gaucho ne s’en offusque. Pour l’autocritique d’une génération, c’est aussi hypocrite et nauséeux que Les Invasions barbares. Pour un décervelage divertissant, on préférera, c’est dire, allumer la télé.