Auteur-réalisateur confirmé depuis plusieurs années, et surtout reconnu aux yeux du grand public depuis le succès de Out of sight, Steven Soderbergh est un cinéaste tout ce qu’il y a de plus respectable. Malheureusement, L’Anglais est une catastrophe, un plantage total pour le moins inattendu.
Cette déception complète n’est absolument pas due à l’attente d’un spectateur exigeant, comblé par les derniers films du réalisateur. Non, plus qu’un mauvais Soderbergh, L’Anglais est tout simplement un mauvais long métrage. Le film a pourtant pour base un synopsis assez génial qui tient du polar pur et simple, mais le réalisateur massacre celui-ci à coups d’effets de style insupportables (on pourrait les apparenter à ceux d’un Greenaway pompant maladroitement le style de David Lynch). Avec ces expérimentations hasardeuses de cadrages, photo et bande-son, le réalisateur crée une multitude d’artifices -vaguement en rapport avec ce qu’il raconte- et rend son film vraiment lourd. Cette mise en scène « criarde » va même jusqu’à nous rendre confuse une intrigue policière initialement simple à comprendre. Les fréquents mouvements instables de caméra à l’épaule provoquent le rejet chez le spectateur, alors que les nombreux inserts de flash-backs (mielleux et larmoyants) et d’autres images encore rendent le montage irritant… A croire que Soderbergh cherche un style nouveau alors que le sien était forgé depuis bien longtemps.
Hormis la vacuité des images, l’histoire racontée dans L’Anglais est tout aussi navrante. Si seulement Soderbergh n’avait pas taillé ses personnages de manière aussi vulgaire -Stamp incarne un personnage soi-disant ambigu, mais qui ne l’est finalement pas plus que Batman ou le Punisher- ; si seulement le développement n’avait pas été aussi simpliste ; si seulement le dénouement n’avait pas été aussi niais, insensé et racoleur… Beaucoup de « si » qui finalement ne servent à rien, sinon à essayer, mais en vain, de trouver quelques qualités à ce film qui comblera peut-être les théoriciens les plus soporifiques.