Voilà l’une des comédies de trentenaires parmi les plus épouvantables de l’année (2007). D’un sentiment de consternation initial, l’agacement finit par prédominer tant Raphaël Fejtö semble bourré de certitudes, conscient de tout, sauf de sa propre indigence. Cette manière de considérer la thématique du bobo adulescent comme le scoop du siècle, ce nombrilisme suintant à chaque image, ce burlesque petit bras pétri d’autosatisfaction tend plus au pathétique qu’au sublime. Bref, difficile d’éprouver la moindre sympathie pour un tel objet pourtant obsédé par cela.
De la joie, du fun, il en déferle néanmois par quintaux à l’écran. Cette petite bande s’entend comme larrons en foire, tous fiers d’apporter leur pierre à l’édifice, tous heureux de se voir filmer ou de filmer l’autre. Il n’est évidemment pas question de reprocher l’enthousiasme des acteurs à propos de leur film, mais leur plénitude dans l’horreur, leur plaisir évident à singer du Godard version djeuns, à mimer la légèreté avec un sérieux d’Actor’s studio, achève de d’étouffer la moindre parcelle de fun. L’Age d’homme n’est rien de moins qu’une Amélie Poulain en veste en velours et pompes de créateurs : même labeur à synthétiser spontanéité et stylisation, même goût du pittoresque en papier mâché.
Déjà le point de départ ouvre moyennement l’appétit : Duris, ici jeune cinéaste torturé (mais super cool, tu vois) se regarde dans la glace en sueurs, terrorisé à l’idée de s’engager avec sa petite amie. C’est maintenant ou jamais de décider si oui ou non ils partageront à vie frigo, ordinateur et télés. Vous avez dit banal ? Fejtö dit ok d’accord. L’âge d’homme à atteindre coûte que coûte, n’est qu’un prétexte en carton qui d’ailleurs n’empêche personne de dormir, pas même le personnage tout pimpant du début à la fin. Seulement voilà, il n’offre pas d’autre enjeu qu’une chronique ruisselante de clichés : poker entre potes, tchatches pittoresques, longueurs de piscine et bisous sous l’oreiller, le compte à rebours promis à l’ouverture ne sera jamais vraiment enclenché. Le refoulement est tel qu’il oblige à bavasser sans point de chute, Fejtö s’obstinant à fabriquer un enchantement quotidien pauvrement burlesque où le rythme atteint dans ses meilleurs moments l’efficacité d’une bonne vanne.
Le sommet tient dans les scènes où Duris combat sa peur de la page blanche (angoisse refoulée du cinéaste ? On y mettrait sa main au feu…), s’imaginant converser avec Leonard de Vinci (campé par l’acteur lui-même, avec le même niveau de cabotinage que dans le navrant Molière), lequel débite des banalités psy. A l’inspiration en panne sèche répond donc un lot de solutions de secours, soit du trip ludique et pas cher, l’idéal pour garder la face, marteler son identité visuelle et faire avancer le récit en deux coups de cuillères à pot. Ainsi va, L’Age d’homme, bric à braque faussement improvisé où frime et paresse se donnent la main, la forme s’obstinant à dissoudre le fond. On ne distinguera qu’une obsession : introniser Duris en fantasme absolu des bobos. Pas le meilleur service qu’on puisse lui rendre.