On pouvait certes s’attendre à un petit Sam Raimi (réalisé pour sa boîte de distribution très Z, Ghost House), mais en aucun cas à un tel bâclage de nouveau riche. Si Jusqu’en enfer surfe entre comédie ésotérique et gore cartoonesque avec une fausse affabilité de jeunot obligé, c’est moins pour annoncer le remake tant attendu d’Evil dead par son créateur (prévu pour 2010, et qu’on espère mille fois plus ambitieux) que pour entretenir une ambiance bidonnée de retour aux sources (la famille, le genre horreur). Avec ses gags ineptes ses effets numériques hideux, Jusqu’en enfer peinerait probablement à investir les étals d’un vidéoclub (ou il risquerait presque d’être confondu avec le pire Bee Movie français, un comble) s’il n’était cheaté par la signature du réalisateur des trois Spider-man. La distanciation, à des années-lumière de l’incandescence rageuse d’un Mort sur le grill, ne sert qu’à déglutir laborieusement un petit catalogue horrifique qui ne satisferait même pas un fanboy de Buffy contre les vampires.
Comment un tel film a-t-il pu se retrouver à Cannes ? Sur le seul nom de Raimi, peut-être (et cela est tout à fait normal), mais aussi, probablement, et de manière assez symptomatique, pour combler la case « divertissement populaire » dont la sélection manquait cruellement. On pouvait comprendre, l’année dernière, qu’une purge à neuneus comme Le Bon, la brute et le cinglé remplisse ce cahier des charges. Mais qu’un cinéaste de la trempe de Raimi se prête au jeu de pareil subterfuge attrape-bourgeois semble beaucoup plus sinistre et explique, par exemple, que le magistral Mother de Bong Joon-ho se soit retrouvé à l’ombre, en train de cirer les bancs d’Un Certain regard. Cette confusion des genres, où des auteurs frustrés et pompiers tels que LVT et Park Chan-wook seraient censés représenter le « film de genre intelligent », est absolument rebutante. Evitons donc le mépris qui consisterait à considérer Jusqu’en enfer comme un « bon divertissement populaire » : un peu comme certaines comédies fumistes des frères Coen (Ladykillers), il n’est qu’une petite baudruche endimanchée, rachitique et sans lendemain.