Frank Oz n’est pas le premier venu, il serait donc abusif de s’exciter sur ces Joyeuses funérailles comme sur un traditionnel choc de rentrée. Il n’empêche, le plaisir qui accompagne la vision du film en fait un remède idéal aux atroces comédies chorales françaises qui pullulent actuellement sur les écrans. D’abord, parce que cette fantaisie noire échappe à la fatalité de la comédie british et ses multiples boulets : comédies romantiques acidulées ou fables sociales chantantes, délires trashy ou ovnis technoïdes. Rien que du classique ici : à l’occasion de l’enterrement d’un père du grand-père, famille et proches se réunissent dans une villa de campagne. Logiquement, tout se détraque et le chaos s’installe : pas un personnage n’échappe à l’enchaînement domino des catas, du beau-frère involontairement shooté à l’ecstasy au défunt lui-même, compromis post-mortem par un grotesque petit nain révélant le passé olé olé du respecté patriarche.
Dans son genre (la polyphonie burlesque en huis-clos à la Altman ou Blake Edwards), le film souffre forcément de la comparaison : l’euphorie surgit par à-coups plutôt que dans la progression, un peu artificielle, d’un récit assez sec. Mais les pics atteints lors de certaines séquences (le nain entre Lynch et Fort Boyard, absolument énorme) suffisent à assurer l’essentiel et porter cette petite machine à gags bien rodée. La cruauté et le mauvais goût ajoutent une couche supplémentaire de fiel british (le pépé impotent et tyrannique) à ce qui aurait pu, sans la sûreté de main du célèbre créateur, avec Jim Henson, des Muppets, demeurer une petite fabulette aigre et mainstream. Rehaussée par cet art du trait saisi au vol (tous les personnages existent avec une belle évidence), Joyeuses funérailles manque juste un peu de cette puissance d’émotion qui travaille, entre autres, la comédie américaine la plus triviale (on en reparle bientôt). Oz ne surprend pas : il assure.