Film totalement ouvert, John Q laisse au final planer un doute sur le niveau réel de ses intentions. Oeuvre au cynisme tordu et implacable ou quintessence de l’idiotie ? Par respect pour la mémoire de Cassavetes père et pour le fun, on optera pour la première solution, quitte à se planter en beauté. On verra donc dans cette histoire abracadabrante réalisée médiocrement et qui charrie des préceptes binaires (justice/injustice; joie/peine) à la pelle, une raillerie acide visant les croyances et aspirations primaires d’une société entièrement soumise au culte des valeurs portées par un american dream fallacieux, plutôt que l’auto-masturbation déplacée d’un demeuré sur la partie la plus putride de son propre corps social. Film pervers donc, John Q conduit insidieusement les spectateurs les moins vigilants vers un orgasme putassier totalement crétin.
Le vice de Cassavetes consisterait dans cette version des faits à ne pas avouer délibérément son approche parodique et à pousser le bouchon juste à la lisière de la caricature, de façon à ne pas se distinguer trop ostensiblement d’un blockbuster standard jouant sur la corde du mélo, mais suffisamment toutefois pour nager dans un ridicule poilant. Ainsi, un good boy modèle de 10 ans, avec casquette de base-ball vissée sur le crane et Musclor comme idole, est atteint d’une maladie de coeur nécessitant une greffe. Bien entendu sa famille black, travailleuse mais trop pauvre, ne peut pas la payer Une situation intenable au pays de Mickey ! Donc le père prend l’hôpital en otage, forcément soutenu au dehors par une foule de badauds aussi emphatique que décérébrée (le public ?), pour que justice soit faite et qu’on place son fils en tête de la liste des receveurs. On y croit… L’occasion d’atteindre des sommets d’absurdité (lorsque le père menace de se tuer pour donner son cœur à son fils) qui culminent lors de l’opération à cœur ouvert du gamin (le moment d’extase tant attendu) filmée en gros plan. Car entre-temps, une connasse dépressive qui zigzaguait dangereusement sur une route a eu la bonne idée de s’écraser contre un camion. Pas de regrets donc, justice est faite.
Ainsi, en accomplissant jusqu’au risible le fantasme cinématographique et sociétal d’une Amérique simplificatrice à l’extrême, Cassavetes met à bas les ressorts grossiers qui le sous-tend. On va dire comme ça, à moins que la connerie la plus crasse rejoigne à un point extrême le génie.