Les substituts hasardeux trouvés aux titres américains compliqués (non pas traduits, plutôt réinventés dans un anglais de cuisine) ont parfois le mérite de révéler les faiblesses de la marchandise réétiquetée. Dans le cas de Jewish connection (Holy rollers en v.o.), la référence fumeuse au polar culte de Friedkin trahit la nécessité de prouver le potentiel dramatique d’un matériau fadasse de prime à bord. A savoir, le récit véridique d’une contrebande d’ecstasy entre Amsterdam et Brooklyn, conduite par de jeunes Juifs hassidiques, initialement persuadés d’acheminer d’inoffensifs médicaments. Derrière ce pitch maigrelet se devine tout de même un angle d’attaque possible, bien que rebattu : filmer l’éclosion du crime au coeur de la communauté religieuse, interroger la délinquance comme esquive d’un destin spirituel et familial écrasant. Scorsese et bon nombre d’indépendants new-yorkais sont déjà passés par là, mais pourquoi pas tenter quelque refonte. Seulement, Jewish connection n’échappe pas à ce symptôme si commun aux histoires vraies, pullulantes ces temps-ci ; certain de détenir un juteux sujet de cinéma, le film rafistole son fait divers jusqu’à l’étiolement, sans jamais en extraire la substantifique moelle.
Si substance il devait y avoir, d’ailleurs, c’est sans doute au coeur du contraste promis : à l’innocence du jeune Orthodoxe effarouché s’opposent bien sûr les atmosphères suaves et débauchées de la pègre de quartier, qui l’arrachent progressivement à son irréprochable éducation rituelle. Mais ce contraste reste une ébauche, prétexte à quelques vannes (un futur rabbin en train de négocier des pilules, c’est rigolo) et à de vagues observations ethno-culturelles. Quant à la mutation tant attendue des deux complices, et à cette frontière où meurt l’adolescent manipulé pour que naisse le trafiquant consciencieux, elles restent sagement elliptiques, voir tout bonnement évacuées hors champ. A trop vouloir ménager trame criminelle et incursion dans la cellule familiale, le montage s’enlise dans une hésitation molle, sans savoir où chercher le point d’orgue de cette improbable affaire de trafic en chapeau et papillotes. La structure se contente donc d’allers et retours monocordes entre l’autorité paternelle du foyer, et l’urgence intimidante mais grisante des deals à la petite semaine. Baladé par cette alternance, Jesse Eisenberg (l’excellent Mark Zuckerberg dans The Social network) compose une dualité plutôt intéressante, juvénile et sulfureux face au père, gamin et prude face aux dealers. C’est probablement dans la schize de son héros que le film trouve un semblant d’ampleur, et dépasse la sempiternelle démonstration de sociologie criminelle (le repentir et la frustration générés par l’éducation spirituelle mènent à la transgression des lois). Pour autant, les turpitudes morales décrites et les éventuels parallèles judéo-chrétiens timidement effleurés ne dégagent aucun réel moment de cinéma, et l’on se demande ce qu’un fait divers peut bien gagner à se voir mis en scène, s’il s’agit de le transformer en moralité contemporaine à la lisière du prêchi-précha.