Je t’aime, je t’adore est un film gentil et inoffensif, qui croit en lui. Problème : on a peur de l’avoir déjà oublié. Il est passé si vite qu’on l’a à peine vu. De quoi s’agit-il ? D’un couple, si l’on se souvient bien, et de la crise qu’il traverse. D’un amant, d’un enfant à venir, d’un homme qui aimerait gagner sa dignité, d’un conflit entre un père et son fils. C’est un drame provincial, la fille travaille dans une piscine, le garçon répare la moto de ses rêves. Qu’un film laisse aussi peu de traces ne signifie pas qu’il soit foncièrement mauvais (au sens de méchant), c’est juste qu’il n’a pas réussi à accrocher quoi que ce soit. Ni ce qu’il nous montre (des lieux, des corps, des scènes, des plans), ni notre regard. La cécité de part et d’autre de l’écran n’est pas un si grave quand, comme ici, restent les intentions. Ce sont elles qui comptent, et celles du réalisateur ne sont pas nuisibles.
On sent bien, à la limite, à quoi rêve Je t’aime, je t’adore, avec son titre insistant. A un cinéma de proximité, un peu pauvre mais propre sur lui, loin de tout réel déjà filmé et en même temps proche d’un réel possiblement identifiable par tous. Ce refus de l’évasion, au profit d’un territoire connu de passions simples, de sentiments empiriques, serait vraiment salutaire si le film se donnait la peine d’y réfléchir ne serait-ce qu’un peu. Ni le cardiogramme, ni l’encéphalogramme ne sont tout à fait plats. Mais la léthargie, l’indigence de la mise en scène, la tranquillité du scénario et la mollesse des acteurs empêchent le film d’exister pour de bon. Il y a un déficit d’existence en son sein, qu’il feint de ne pas apercevoir pour continuer sa route. Même en tant que film artisanal sans ambition (locution qui ne va pas de soi, n’en déplaise à l’auteur), il peine à s’imposer, rechignant à dévoiler tout son labeur, occupé à faire comme si de rien n’était. Au fond Je t’aime, je t’adore est un grand timide un peu gauche, un peu naïf. Mais de tout cela, il ne fait rien ; c’est presque un film pour rien. Inutile alors de s’énerver après lui, puisqu’à nous non plus il ne demande rien.