L’homme selon Christian Vincent est un gars plutôt pathétique, pitoyable au sens premier (digne de pitié), somme toute extrêmement attachant et humain. Et malmené, forcément, par une (ou plusieurs, voir Beau fixe, sur le mode léger) femme(s), qui, pour n’être pas toujours plus à l’aise que lui dans la vie, savent au moins, elles, sauver les apparences. Inauguré par Luchini dans La discrète, cet archétype-là atteignait au sublime dans La séparation, trouvant alors en Daniel Auteuil l’interprète idéal.
La même osmose se produit ici -dans un autre registre, faut-il le préciser-, entre Berroyer et son personnage : vingt-quatre heures de la vie d’un humoriste (re)connu sur le tard, venu faire profiter de cette once de célébrité tardive une manif’culturelle de sa ville natale, Liévin… Pince-fesses d’usage, télé et radio locales et petits discours convenus, rien ne passera pourtant tout à fait comme prévu lors de cette journée particulière, la faute à la jolie organisatrice (Karin Viard, formidable as usual), venue dérégler les sens de notre bonhomme jusqu’à lui faire découvrir les dessous d’une vie apparemment sans histoire…
On l’aura compris, l’intérêt principal de ce quatrième opus de Christian Vincent ne tient pas dans un sujet plutôt banal -voire cliché, à certains égards-, mais à cette façon toujours tendre (et ici, quasi documentaire, caméra à l’épaule) d’approcher ses personnages, façon quasi entomologique, au plus profond des êtres. De fait, le défi de pareil film tient essentiellement à ce qu’y donnent, ce qu’en font ses acteurs : c’est peu de dire que le défi est relevé avec brio. L’ex-standardiste de NPA n’a jamais été aussi convaincant et émouvant qu’ici, usant de cette auto-dérision qu’on lui connaît si bien ; inutile de répéter que Karin Viard est l’une des très grandes d’aujourd’hui, elle est magistrale dans tous les registres de son jeu, du rire aux larmes… Tous les seconds rôles sont au diapason, et contribuent à la réussite de cette petite entreprise cocasse à l’extérieur, tragique à l’intérieur…