De l’épais brouillard qui enrobe Jar city, c’est la beauté de l’Islande qui émerge d’abord. Comme Christopher Nolan avec l’Alaska (Insomnia), Baltasar Kormakur exploite à plein la cinégénie des paysages glaciaires et enfile les travellings héliportés sur fond de chants gutturaux. L’ambiance est à l’avenant : entre rugosité climatique (les extérieurs), esthétique Picard (les intérieurs) et échanges taiseux, un malaise diffus, presque poisseux, parcourt le film. Erlendur, un flic aussi curieux que ses gilets, enquête sur le meurtre d’un type a priori sans histoires. De piste en piste, il va remonter jusqu’au fichier génétique de la population islandaise et réveiller des démons vieux de 40 ans. Entre investigation policière, humour à froid et storyline eugéniste, Jar city ne manquait pas de potentiel. S’il n’avait desserré les boulons de cette histoire et basculé dans la pose ronflante, nul doute que Kormakur aurait signé là un métrage aussi solide que singulier.
Mais voilà, Jar city pêche par le pire des maux : la démonstration gratuite. Cadrer encore et plus des paysages désolés, pourquoi pas ; encore faut-il les connecter aux contingences narratives. En l’état, toutes ces vignettes solennelles se la jouent métatextuelles à mort, procèdant d’une logique de pur remplissage. Un côté charlatan qui contamine le film jusqu’au script, écheveau bordélique d’intrigues et de personnages qui opacifie le propos dans le seul but de claquer un twist moisi dans le dernier quart d’heure. Artificielle et inutile, cette architecture est symptomatique de l’enflure qui plombe le film de bout en bout. Au fond, ne reste de la projection que le souvenir d’un héros improbable (excellent Ingvar Eggert Sigurosson), sorte de Derrick maigrichon et barbu pris entre sa progéniture désœuvrée et un crime aux ramifications insoupçonnées. Une prestation qui justifierait presque la vision de ce Jar city, sympathique polar polaire qui, une fois encore, perd en efficacité ce qu’il croit gagner en ambition.