Outre son aspect « people » complètement involontaire (le quasi-dernier film de Marie Trintignant, le come back grotesque de Christophe Lambert), Janis et John est un objet de curiosité comme on en voit assez peu dans le cinéma populaire français actuel. Un casting monstre, donc (peut être le meilleur rôle de Sergi Lopez, jubilatoire en petit bouffon mesquin et roublard), mais surtout une intrigue dont l’exubérance vivifiante flirte avec la plus douce folie. Pour rembourser une de ses escroqueries qui a mal tourné, Pablo, petit assureur miteux, décide de mettre la main sur l’héritage récent d’un cousin éloigné, Léon (Christophe Lambert), hurluberlu sous acide qui attend la venue de ses idoles, Janis Joplin et John Lennon, dans la boutique rock ringarde qu’il tient depuis plus de trente ans.
D’une idée foutraque (transformer la femme de Pablo en Janis Joplin et un acteur raté récupéré par hasard en John Lennon de pacotille pour rouler le bon Léon), Benchetrit parvient à tirer le meilleur : une succession de situations hilarantes qui, si elles ne rendent pas compte d’un réel équilibre sur l’ensemble (le film patine un peu dès qu’il s’agit de garder un rythme soutenu), font souvent mouche « à l’unité » ou en petits groupes autonomes. De l’apparition de Christophe Lambert, phénoménale, aux gouffres comiques ouverts par le stratagème de Pablo (Cluzet monstrueux de sérieux burlesque), Janis et John s’engage sur un terrain miné, la fable détraquée, sans jamais perdre de vue sa cohérence narrative. Celle-ci, brinquebalante, parfois hirsute, toute de hauts et de bas, parvient surtout à exploiter les plus infimes potentialités d’un concept évoquant -de loin- les volutes acidulées d’un Harold Ramis (trompe l’oeil, grimages et fantaisie du quotidien).
On peut regretter que Benchetrit utilise au plus mal le gras de son scénario (la ridicule morale sur la solitude des êtres), ce qui fait précisément le prix d’un Ramis, mais rien que pour ses percées absolument nonsensiques, l’authentique folie qui l’irrigue, Janis et John est un antidote idéal aux récentes comédies françaises qui se partagent entre djeune attitude décrépie (Besson et ses lobo-productions) et vieille garde aux relents nauséabonds (Zidi et Weber). Et s’il n’atteint pas tout à fait le jackpot, faute d’un pont trouvé entre matériau brut des situations et limites de la mise en scène, Benchetrit réalise un savoureux exercice en féerie baroque et dégingandée.