Semi-joie, semi-déception, Iron man se tient, droit dans ses bottes, dans l’exact horizon des attentes placées en lui, mais ne l’excède en rien. D’abord, il y a la confirmation d’un casting judicieux. Robert Downey Jr, arrogance laidback et barbiche métrosexuelle, poursuit sa rehab hollywoodienne avec une classe épatante, après la composition splendide de Zodiac ; Gwyneth Paltrow, un peu inattendue ici, régule joliment la mécanique des sentiments tandis Jeff Bridges est un parfait bad guy en Nemesis chauve et barbue de l’homme de fer. Autre satisfaction, sur la pente plus régressive du programme : la quasi-perfection des effets spéciaux (dus en partie au vétéran Stan Winston) et des (rares) séquences d’action pures, physiques et charnues, loin de l’abstraction CGI qui grêle aujourd’hui une bonne partie du genre. Au final, le film est assez honnête, peu audacieux mais confortablement installé entre le pôle psy (le Hulk de Ang Lee) et celui de l’entertainment pur (Les 4 fantastiques).
Qu’est-ce qui déçoit ? On pourrait s’agacer par exemple de ce que le film de Favreau, d’une exposition épatante (l’excursion fondatrice en Afghanistan, avec AC/DC à fond les ballons), se dilue dans une intrigue famélique, laissant s’envoler ses enjeux dans la seule perspective d’inaugurer la franchise, remettant les choses à plus tard (la suite est déjà signée, évidemment). En même temps, ce serait ignorer que c’est là la formule invariable du film de super héros d’aujourd’hui : celle du récit d’initiation, qui s’en tient à documenter l’apparition, sur la dépouille du personnage, de l’habit du surhomme. Iron man n’y coupe pas. Tony Stark, marchand d’arme cynique et jouisseur, n’est pas un boutonneux façon Peter Parker mais il est bien figuré comme un grand chiard narcissique, qui devra faire l’épreuve de la réalité. Ici le personnage de l’assistante (Gwyneth Paltrow) est assez finement dessiné, qui de figure maternelle devra devenir une possible amante. Surtout, le film part avec dans sa besace un joli motif : celui de l’armure.
Deux lectures conjointes, à partir de l’uniforme métallique. D’abord, la vision stratégique américaine. Aucun sous-texte, zéro velléité critique dans ce Iron man : l’homme de fer, c’est d’abord le gros bâton, comme dans la politique du même nom. Le patriotisme franc du collier du film a même quelque chose d’un peu désuet, il est l’archétype old school d’un cinéma de sécurité nationale pré-11/09. L’homme de fer, bras armé idéal, c’est l’argument de la frappe chirurgicale, en même temps que la synthèse fantasmée de tout l’appareil américain de stratégie (la création du « SHIELD » à la fin, qui résout la dispersion d’une défense trop bureaucratique).
Mais l’armure offre aussi une jolie déclinaison du canevas initiatique. L’idée est assez belle : Tony Stark se dénude en même temps qu’il se harnache. L’accident prétexte (Stark, à l’abri d’un hummer blindé – une armure, déjà – est victime de l’explosion d’un de ses propres missiles, littéralement touché au coeur) pose l’enjeu : l’armure paradoxale de Stark le cynique est celle d’un cœur mis à nu, ramené à la surface (l’aimant fluorescent qui troue son plastron). Favreau n’a pas le talent d’un Sam Raimi mais c’est, là encore, la mécanique des sentiments qui offre sa plus belle séquence au film : quand le cœur du héros se fatigue et qu’il réclame remplacement, c’est la femme qui, de ses doigts fins, installe le nouveau palpitant dans son poitrail. En attendant Iron man 2, réjouissons-nous au moins de ce charmant compromis : Iron man, films de gros dur, film de midinette.