Au moment de réaliser le second remake de la version-étalon de Siegel (l’inusable Invasion of the body snatchers, que Philip Kaufman fit bourgeonner en une déclinaison toute végétale dans les 70’s), Abel Ferrara affirmait qu’idéalement chaque décennie devrait se voir gratifier d’une relecture de l’oeuvre de Jack Finney. A cela, sans en avoir discuté avec Abel, deux raisons évidentes. D’abord, le cadre opératoire inventé par Finney est une fabuleuse machine allégorique (en très gros : le réel et son double, bon grain ouvert à toutes les variations pour le cinéma de genre qui réfléchit). Mais il constitue aussi un vivier de propositions figuratives prolixes comme jamais : spécularité et incarnation, altérité et contamination, pain béni déclinable en UV pour les facs de cinoche. Pour les 90’s, Ferrara relevait le défi, mais en biais. Son Body snatchers valait bien comme dateur de la décennie visée (humanité crépusculaire et réifiée, sur fond dépressif de catastrophe écologique, dans le prolongement de l’update de Kaufman), mais emportait la fable de l’alter ego sur un terrain à la fois plus intime (le film était d’abord un drame familial) et cérébral. Le résultat, certes, était magnifique, mais un peu abscons pour qui attendait une bonne série B parano à l’ancienne.
Invasion, donc : le titre dit bien le recentrage visé par cette cuvée 2007. Après Body snatchers, et en attendant Of et The, respectivement annoncés pour 2016 et 2025, c’est Olivier Hirschbiegel (repéré avec La Chute, Hitler-movie couronné d’un certain succès), qui s’y colle. Enfin pas tout à fait, puisque le projet, en route, s’est vu snatché par le nabab Joel Silver, qui dans le cadre low-profile imaginé par Hierschbiegel ne trouva pas son compte de péripéties autoroutières et avait un hélicoptère tout neuf à étrenner. Le résultat est donc une espèce de machin déséquilibré avec d’un côté, une fable politique visant plutôt l’héritage Siegel que ses ramifications et de l’autre, les joujous à Silver, épaulé par les Wachowski et le tâcheron de V pour Vendetta. Bref, un truc ni fait ni à faire, mais, au fond, pas tout à fait antipathique. De loin, le plus insignifiant de la série, mais en même temps le plus ouvertement B, limite bis, dont on pourrait pointer l’ambition quasi-vintage si ambition il y avait. Entre blockbuster malade (des deux hémisphères du projet, il ne reste rien, ni SF réflexive ni pyrotechnie pop corn) et nanar de luxe (Kidman doublement empêtrée dans sa jupe mi-mollets et un montage catastrophique), un non-film aussi inoffensif qu’attachant.