Avec un tel film, évidemment, il faut commencer par séparer les choses, faire le tri entre ce qui relève d’un dossier de l’écran et ce qui nous intéresse davantage ici, à savoir le film de cinéma qui le porte. Et il faut terminer par les réunir, aussi. Et pour ce faire, il faut commencer par se boucher les oreilles et isoler la musique du film des bruits parasites qui ne manquent pas de papillonner autour.
Le pitch : en 1943, l’épopée de quatre soldats embrigadés depuis les colonies françaises, de leur arrivée dans l’hexagone à la libération d’un village alsacien à laquelle ils participent héroïquement. Ce film, donc, pour chanter la geste des peuples colonisés obligés de verser leur sang pour l’oppresseur, jeunes hommes déplacés vers la lointaine métropole, dans le froid du front, souvent mis en première ligne, traités sans le minimum de dignité qui leur était légitimement dû. Ce film, surtout, comme mise au point historique valant pour aujourd’hui, pour une France qui se débat avec son lourd passé colonial. Et puis aussi, même s’il n’en est pas question directement dans le film, sur le traitement injuste subi par ces soldats par rapport au versement des pensions après la décolonisation. A ce propos, le film est utile, simplement pédagogique, un cours d’histoire salutaire par les temps qui courent (la preuve, le soutien que lui apporte l’éducation nationale). On peut s’étonner toutefois que Rachid Bouchareb n’ait pas poussé son histoire jusqu’à son terme, et appuyer sur un autre point noir de l’histoire coloniale française, le massacre de Sétif, qui, débutant le 8 mai 1945, en quelque sorte clôt tragiquement l’épopée des soldats indigènes.
Indigènes fera sans doute davantage parler de lui pour toutes ces raisons que pour le film qui se cache derrière et qui existe comme il peut. Un film honorable mais assez faible, disons un film américain moyen. Volontiers too much (quatre bidasses libèrent l’Alsace face à la moitié de la Wehrmacht), expansif et gentil sur l’émotion, la bravoure, l’héroïsme et les flagrantes injustices. Un film sans aspérité aucune, ne s’épargnant pas quelques clichés, lourd de son académisme sans histoires. C’est son paradoxe, un film d’histoire sans histoires. On pourrait bien dire des choses sur un problème pareil. Mais qui s’en soucie ?