Nouveau pallier franchi par Incontrôlable dans l’éprouvante histoire en cours de la néo-comédie française. Les tentatives récentes laissaient espérer un retour à la simplicité, fut-elle anorexique (de L’Incruste à Ontoniente), moins honteuse que les essais de brainstorming des bons (Baer, Baffie) ou mauvais (Barthélémy) trublions du PAF. Patatras, avec Incontrôlable ressurgit le spectre du Raid, trou noir absolu du genre qui secoua la France du rire il y a quelques années. De comparable, les deux films ont cette manière de faire du vieux avec du high-tech de contrefaçon, une agressivité de tous les instants, une absence totale d’humanité et un humour dont le cynisme ne se laisse même plus tenté par le gadget -à la mode- du foirage assumé.
Plusieurs détails montrent pourtant le sérieux de l’entreprise : Youn, kikitoudur en chef du trash light, a pris une bonne dizaine de kilos pour entrer dans la peau de son personnage de scénariste à la dérive. Enfilant bières, clopes et kebabs au kilomètre, les yeux dans le vide, l’acteur surjoue la déprime avec une telle volonté de bien faire qu’on jurerait qu’il a étudié Taxi driver sous tous les angles et des mois durant pour se la jouer actor’s studio du rire. Le résultat est pathétique. Autre détail navrant, les clins d’oeil grotesques faits aux grands maîtres de la comédie US tout au long du film (monsieur Lubitsch, l’hôpital psychiatrique Billy Wilder pour les plus gratinés). Enfin, cette manière de singer le double héritage (par ailleurs complètement antinomique) Jack’ass / Farrelly pour donner au film l’apparat d’une modernité burlesque dont il ne retiendrait que les restes et les excréments.
A s’empiffrer ainsi à tous les râteliers, le film révèle vite son absence de projet : on songe par instants au fameux Docteur Maboul de notre enfance, ce jouet débile dont Youn imite les réactions avec une aisance incomparable. Le tout sous couvert d’un scénario assez jouissif : la prise de contrôle de son corps par une entité inconnue, sorte de syndrome de Tourette prétextant les plus gras délires. Pas un gramme de mise en scène là-dedans (Raffy Shart existe-t-il ?), et un Youn lui-même réduit au statut de spectateur de lui-même quand la voix française d’Eddie Murphy (plus glauque, tu meurs) s’empare de lui. Film ventriloque et sans âme, pourri par son esprit parvenu : même Le Raid était plus sympa, c’est dire.