Les années ont passé depuis Ma femme est une actrice et l’heure est aux premiers bilans. C’est entendu, le nouveau film d’Yvan Attal n’en est pas la suite officielle, mais il s’agit bien de poursuivre une même histoire, celle du couple star Attal-Gainsbourg. Surprise : le désenchantement a brutalement surgi dans la dentelle glamour de l’aventure. Le mariage n’est plus qu’une valeur démodée, et l’amertume détruit peu à peu la passion : Vincent (Attal) aime Gabrielle (Charlotte Gainsbourg), mais entretient une liaison avec une autre femme. Même scénario chez le couple d’amis : Georges (Alain Chabat) aime son épouse (Emmanuelle Seigner), mais ne supporte plus son féminisme outrancier. Confusion des sentiments et inéluctabilité des désordres amoureux tiennent à bout de bras tout le scénario.
Sur les sentiers rebattus des scènes de la vie conjugale, Yvan Attal avance et surtout trébuche, au rythme de décalages gratuits, et de fausses audaces : Emmanuelle Seigner transformée en harpie hystérique, Johnny Depp déguisé en binoclard solitaire, Attal lui-même filmé en pleine action adultérine. Les héros d’Ils se marièrent… se prennent pour de grands enfants, aiment faire des bêtises et dire des gros mots, mais en ont perdu toute innocence. Fatalement, l’originalité et la liberté de ton érigées en programme annoncé virent à la caricature. Même une scène aussi tendre -presque onirique- que la bataille d’oeufs, de crème chantilly et de Ketchup entre Gabrielle et Vincent perd toute sa spontanéité et sa magie au contact du reste du film, englué dans les lieux communs de la comédie franchouillarde : discours cynique et désabusé du macho primaire, personnages secondaires grotesques utilisés comme faire-valoir des stars, coïncidences trop évidentes ou clichés irrécupérables sur la distribution des tâches ménagères entre hommes et femmes. Ambitieux mais prudent, Attal se tient dans l’hésitation continuellement, comme inquiet d’avoir à pousser la fantaisie jusqu’au bout.
Une heure quarante plus tard, la situation initiale n’ayant pas évolué d’un iota, le dénouement se place sous les bons auspices de l’utopie. Bien sûr, il ne s’agit plus de se marier et d’avoir des enfants. Divorcer ? A quoi bon, puisque le célibat n’est pas non plus synonyme de bonheur. Comme illuminé par une idée soudaine, Yvan Attal brandit sa carte maîtresse : un prince charmant ex machina (Johnny Depp, of course, en guest star un peu trop sûre de son effet) pour sauver la belle éplorée et l’emmener au septième ciel dans son ascenseur volant. Coup de bluff dégonflé : on en reste là, avec la désagréable impression de s’être fait totalement berner.